On se souviendra longtemps des virus dans les cultures maraîchères en 2022!​​

​Par Isabelle Couture, agronome, conseillère en horticulture maraîchère, Direction régionale de la Montérégie, ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

À l'été 2022, de nombreux cas de virus dans les cucurbitacées, mais aussi dans les haricots, les poivrons et les autres solanacées (tomates, auberg​ines, cerises de terre) ont été dépistés au Québec, notamment dans Lanaudière, dans les Laurentides, à Laval et en Montérégie. En 2007, une situation similaire s'était produite, mais seuls les cucurbitacées et les haricots avaient été touchés dans ces mêmes régions.

​Qu'ont en commun les années 2007 et 2022? Dans les deux cas, l'apparition de virus a débuté après que des quantités anormalement élevées de pucerons ailés ont été vues dès la mi-juillet dans des champs de citrouilles, de courges, de melons et de concombres. Ces arrivées massives de pucerons ailés pourraient correspondre à des nuages de pucerons du soya (Aphis glycines) provenant des États-Unis, qui auraient été transportés par les vents jusqu'au Québec. Sans surprise, dans la culture du soya, les populations de pucerons du soya ont atteint des sommets pour ces deux années dans différentes régions du Québec.

Malgré le fait que le puceron du soya ne soit pas répertorié comme un ennemi habituel des cucurbitacées ni d'autres cultures maraîchères, il peut transmettre plusieurs virus dévastateurs tels que le virus de la mosaïque du concombre (CMV) et des potyvirus.

Les virus ont comme conséquence de réduire la productivité d'une plante et peuvent altérer la qualité commerciale de la récolte. L'effet d'une infection virale sur le rendement d'une plante est généralement plus grave lorsque l'infection est hâtive en saison.

Pour améliorer la compréhension du phénomène et développer des méthodes de lutte préventives, le MAPAQ finance un projet d'étude sur les pucerons ailés et la transmission de virus. Il sera mis en place aux étés 2023 et 2024 et comportera plusieurs volets :

  • ​l'identification des vecteurs de virus et l'étude de leur dynamique de population;
  • l'identification des principales mauvaises herbes réservoirs qui peuvent héberger le CMV;

  • l'évaluation de l'efficacité de méthodes préventives à la ferme pour réduire la transmission de virus par les pucerons ailés.

Le Centre de recherche sur les grains, le Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel et le Laboratoire d'expertise et de diagnostic en phytoprotection prennent part à ce projet, en plus des directions régionales de la Montérégie et de Montréal-Laval-Lanaudière du MAPAQ.  


​Les pucerons, des vecteurs de virus très efficaces

Un virus, seul, ne peut se transmettre d'une plante à une autre. Pour se propager, il doit passer par un intermédiaire que l'on appelle « vecteur ». Les pucerons sont de loin les vecteurs les plus importants, car ils transmettent 60 % des virus de plantes connus à ce jour. Les pucerons font une « piqûre d'essai » pour savoir si une plante leur convient. Ils créent de petites blessures sur les feuilles par lesquelles les virus peuvent être prélevés ou introduits dans les plantes.

Les virus détectés dans les cultures maraîchères en 2007 et en 2022 ont été transmis par les pucerons selon un mode non persistant, ce qui veut dire que la transmission ou l'acquisition du virus est très rapide. Ces virus sont prélevés d'une plante et introduits dans d'autres végétaux lors de brèves piqûres d'essai. La contamination ne nécessite que très peu de temps, car les particules virales sont dans les tissus superficiels (épiderme) de la plante. La durée de rétention du virus est courte et n'excède généralement pas 60 minutes, le temps de faire quelques piqûres sur de nouvelles plantes.

Ce sont les pucerons ailés « visiteurs », à la recherche de leur plante-hôte, qui transmettent le plus ces virus. Les pucerons ailés ne parviennent pas à reconnaître à distance une plante sur laquelle ils pourront établir une colonie. Ils doivent se poser sur les végétaux et effectuer des piqûres d'essai pour déterminer si la plante leur convient. Même s'il s'agit uniquement de brèves piqûres, les pucerons peuvent transmettre le virus au passage en piquant une plante malade et ensuite une plante en santé.

Un des volets du projet mis en place cet été sera d'identifier le ou les vecteurs de virus et d'étudier leur dynamique de population. Les populations de pucerons ailés seront suivies en 2023 et en 2024 à l'aide de pièges installés dans de nombreux champs de soya et de cucurbitacées dans les trois principales régions touchées par les virus en 2022.

​Le CMV et les mauvaises herbes

Les virus non persistants comme le CMV et les potyvirus sont les plus fréquents dans la nature. À lui seul, le CMV peut infecter plus de 1 000 plantes, y compris de nombreuses espèces de mauvaises herbes. Ces mauvaises herbes permettent aux virus de survivre et de se maintenir dans la nature pendant les périodes où il n'y a pas de cultures en place.

Il s'agit qu'il y ait quelques plantes infectées par un virus tôt en saison pour que, lorsqu'en grand nombre, des pucerons ailés visiteurs, tels les pucerons du soya, répandent le CMV à l'ensemble de la culture de cucurbitacées, comme observé en 2007 et en 2022. Un contrôle efficace des mauvaises herbes réservoirs près des parcelles peut contribuer à retarder les premières contaminations et donc le début des épidémies virales dans les champs.

Un autre volet du projet sera d'identifier les principales mauvaises herbes réservoirs qui peuvent héberger le CMV. Pour ce faire, des mauvaises herbes vivaces et bisannuelles seront testées tôt au printemps pour la présence du CMV dans les champs qui ont été fortement touchés par les virus en 2022.

​Les moyens de lutte contre les virus

Une plante infectée par un virus le restera toute sa vie, qu'elle soit annuelle ou pérenne. Actuellement, les seuls moyens de lutte sont essentiellement préventifs​ : ils visent à éviter qu'une plante ne soit contaminée par un virus. La lutte par l'application de produits chimiques contre les pucerons n'est pas efficace pour empêcher la transmission des virus non persistants étant donné la vitesse à laquelle ils se transmettent.

Le troisième volet du projet sera d'évaluer l'efficacité de méthodes préventives à la ferme pour réduire la transmission de virus par les pucerons ailés. Des pulvérisations d'huiles minérales et de kaolin seront entre autres testées.

​Il est souhaité que les résultats du projet permettent d'identifier les pucerons vecteurs et les plantes réservoirs ainsi que de développer des méthodes de lutte préventives pour diminuer les répercussions sur les entreprises horticoles des virus propagés par les fortes envolées de pucerons ailés. Restez à l'affût pour connaître les résultats qui seront présentés en 2024-2025.​


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Dernière mise à jour : 2023-06-01

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