​​​​La recherche en agriculture en Abitibi-Témiscamingue : d'hier à aujourd'hui

​Mathieu Laplante, agronome
Conseiller régional en relève ag​​ricole 

En collaboration avec Mme Carole Lafrenière, Ph. D., professeure à la retraite, et M. Vincent Poirier, Ph. D., professeur en sciences du sol, ​Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

 

Les exploitants agricoles de l'Abitibi-Témiscamingue se situent actuellement dans un environnement particulièrement effervescent. En effet, le nombre d'entreprises est en constante croissance, plusieurs aides à l'investissement sont disponibles, l'offre de formation se diversifie et la recherche en agriculture reprend son élan. D'ailleurs, dans les paragraphes qui suivent, nous brosserons succinctement le portrait de la recherche d'hier à aujourd'hui.

De la recherche au service des producteurs d'ici

Quiconque a cultivé le sol témiscabitibien sait qu'il n'est pas possible d'appliquer systématiquement les techniques mises au point ailleurs dans la province. Nos sols et notre climat étant distincts, il est primordial de développer des connaissances propres à notre environnement. C'est d'ailleurs cette prise de conscience qui a débuté vers la fin des années 70. Il était alors indéniable qu'il fallait réaliser des recherches dans​ nos conditions pour élever l'agriculture régionale à un autre niveau. Des recherches ont ainsi été initiées par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, puis par la Ferme de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada de Kapuskasing. Les résultats obtenus ont entre autres permis de développer et d'augmenter la productivité des élevages par des fourrages de qualité accrue.​​

​En 1996, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) a repris le flambeau et, en 2011, elle inaugurait une station de recherche à Notre-Dame-du-Nord. L​​​'Université ancrait ainsi le développement des ressources naturelles du territoire (minières, forestières et agricoles) avec des spécialités pour chacun d'eux, dont l'agriculture au Témiscamingue. En 2015, l'UQAT regroupait, au sein de la Station de recherche, l'Unité de recherche et de développement en agroalimentaire (URDAAT) et le Centre de services du Témiscamingue pour ainsi former le Centre du Témiscamingue. En 2018, l'équipe de l'URDAAT s'est agrandie, ce qui lui permet maintenant de travailler sur les pâturages, les sols et les grandes cultures biologiques.

​​​Un service de plus à la collectivité : les analyses agricoles

Depuis 2021, l'UQAT offre aux producteurs un service d'analyse ​des fourrages directement dans ses installations de Notre-Dame-du-Nord. Les analyses de sol seront aussi disponibles prochainement.

Laboratoire d'analyse agricole de l'UQAT

Des travaux sur les pâturages

Durant les dernières années, les travaux ont surtout porté sur la rénovation des pâturages. Les objectifs étaient de trouver les éléments techniques permettant d'implanter de la luzerne ou du lotier (type de sursemis et de cultivar) et de développer le savoir-faire (différentes méthodes de gestion du pâturage) pour assurer le succès de cette technique. Pour rénover un pâturage, plusieurs points sont à vérifier, dont le pH du sol, le niveau de compaction, la fertilité ainsi que l'épaisseur du « tapis » racinaire.

Des essais ont été réalisés avec un vieux pâturage (plus de 20 ans) à dominance de pâturin des prés et avec un plus jeune pâturage (moins de 5 ans) à dominance de dactyle. Lorsque l'espèce dominante était le pâturin, nous n'avons jamais réussi à établir un pourcentage de légumineuses intéressant. Nous avons donc vérifié une hypothèse spécifique : est-ce que les racines du pâturin peuvent inhiber la germination des graines? Les résultats obtenus montrent que des extraits provenant des racines engendrent effectivement l'inhibition de la germination de tous les cultivars de lotier, mais à des degrés variables pour les cultivars de luzerne. Cet essai a été fait en laboratoire, mais peut expliquer en partie les succès mitigés obtenus dans certaines opérations de rénovation de pâturages.

Quelques résultats préliminaires sur la rénovation des pâturages :

  • Le sursemis sur sol gelé fonctionne mieux que le semis direct (semoir de type Great Plains);
  • Pour le semis direct, il faut attendre qu'il y ait une portance suffisante. Lorsque cet état est atteint, les conditions d'humidité ne sont plus nécessairement optimales pour la germination;
  • À différents degrés, des composés contenus dans les racines du pâturin des prés ont un effet inhibiteur sur la germinatio​n du lotier et, à moindre mesure, de la luzerne;
  • La rénovation a plus de succès dans les pâturages plus jeunes ou de dactyles, mais permet difficilement d'augmenter la contribution des légumineuses à plus de 20 % des rendements.

L'étude des sols

Les travaux de recherche réalisés dans les dernières années ont contribué à mieux comprendre les processus qui surviennent dans les différents horizons des sols argileux de la région. Ces travaux se focalisent sur plusieurs aspects en lien avec l'état de santé du sol. Plus précisément, l'équipe de l'URDAAT étudie l'influence des pratiques agronomiques sur le stockage du carbone dans le sol, la dynamique de la matière organique du sol, le développement de la structure et de l'agrégation ainsi que les caractéristiques des racines des plantes.

Dans le domaine des systèmes fourragers, des résultats récents confirment que la paissance en rotation apporte plusieurs bénéfices à la santé des sols en comparaison avec une paissance en continu.

Quelques bénéfices de la paissance en rotation dans les sols argileux :

  • Production d'une biomasse racinaire plus abondante et plus facilement décomposable;​​
  • Augmentation du stockage du carbone sous forme stable en surface et en profondeur dans le sol;
  • Amélioration de la structure et du mouvement de l'eau par l'augmentation du nombre de macroagrégats.​

Le développement des systèmes de grandes cultures

Dans le domaine des grandes cultures, les travaux ont principalement porté sur l'étude des cultures intercalaires, dont le trèfle incarnat et le trèfle blanc. La combinaison de ces deux espèces est une avenue intéressante à explorer dans le cadre d'essais futurs. Il serait aussi pertinent de mieux caractériser la biomasse racinaire propre à chacune de ces espèces et de suivre la dynamique du carbone (C) et de l'azote (N) en surface et en profondeur l'année suivant leur enfouissement.​

Quelques bénéfices confirmés de certaines cultures intercalaires :

  • Les trèfles blanc et incarnat implantés au semis permettent de réduire considérablement la présence d'adventices en plus d'augmenter la production de biomasse racinaire facilement décomposable;​
  • Le trèfle incarnat produit une biomasse plus abondante, mais sa composition chimique la rend plus difficile à décomposer comparativement à celle du trèfle blanc.
  • Le trèfle incarnat influence positivement la stabilité de la structure du sol.
  • Le trèfle blanc démontre un bon potentiel d'enrichissement du sol en C et en N à court terme.​

​Et pour l'avenir?

Dans les années à venir, les travaux de l'URDAAT permettront d'accroître nos connaissances sur la gestion des systèmes fourragers et des grandes cultures, dont celles en régie biologique. En comprenant mieux les processus du sol et ses interactions avec les plantes et les animaux, nous devrions être en mesure d'augmenter la quantité de carbone stocké dans le sol en plus d'améliorer leur santé et leur productivité.​

 
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Dernière mise à jour : 2021-12-20

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