​​Améliorer la structure du sol est la seule solution permanente à la sécheresse​

Louis Robert, agronome
Direction régionale de la Montérégie-Est 
Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation 

Aujourd'hui, rares sont les personnes, mis à part quelques pédologues (scientifiques spécialisés en science du sol) et agronomes, qui sont au fait de l'immense capacité de stockage en eau utile d'un sol en santé. En effet, un tel sol renfermerait des dizaines de mètres cubes d'eau par hectare.

Un sol en santé s'élabore de la façon suivante : au fil des saisons de cultures, s'échelonnant sur de nombreuses années et même sur des décennies, une succession de cultures diverses – commerciales ou de couverture – effectuées sur un sol travaillé de manière minimale ou d'aucune façon, stimule et alimente la prolifération de populations microbiennes diversifiées. Ces microbes produisent des substances organiques complexes et participent à l'agrégation des particules de sol, c'est-à-dire le regroupement de ces particules en petites boules (de 2 à 5 mm) qui, tout à la fois, laissent circuler l'air, et favorisent ainsi la respiration racinaire et l'infiltration de l'eau, et absorbent au passage une grande quantité d'eau en provenance de la surface (précipitations, fonte des neiges). De cette façon, le sol en santé agit comme une éponge. Cela explique d'ailleurs pourquoi on utilise souvent une éponge pour illustrer les différents statuts hydriques du sol.

Si on verse de l'eau sur une éponge sèche, on observe pendant un certain temps que cette eau est absorbée par l'éponge jusqu'à ce que tous les canaux de l'éponge soient remplis d'eau. On dit alors que l'éponge, ou le sol, est saturée. Au-delà de cet état de saturation, toute l'eau versée en surplus est évacuée d'une façon ou d'une autre, comme au printemps, à la fonte des neiges, alors que les sols sont engorgés ou gelés. Après cet apport d'eau maximal, pendant un certain temps, de l'eau s'écoulera de l'éponge. À la suite de fortes précipitations, on verra aussi cette eau, appelée eau de gravité, couler aux exutoires des drains. Au moment où il n'y a plus d'eau de gravité à évacuer, le champ, ou plutôt le sol qui le compose, aura atteint un stade qu'on désigne par le nom de « capacité au champ » : le sol est encore humide, il renferme un grand volume d'eau à la portée des racines, mais aussi une part d'eau qu'on qualifie de non disponible parce que les racines n'ont pas la possibilité de l'utiliser.

Lorsque les racines et les autres organismes vivants du sol, de même que l'évaporation, auront épuisé l'eau disponible, le sol atteindra le stade du « point de flétrissement » : il contiendra encore de l'eau, mais celle-ci sera prise dans des canaux si petits qu'aucun organisme n'y aura accès. Donc, après avoir connu un état de complète saturation, et à mesure que le sol s'assèche par suite de l'arrêt des précipitations, le sol atteindra d'abord sa « capacité au champ » et, plusieurs jours plus tard, son « point de flétrissement ». La différence entre les deux stades, quant au volume d'eau, est ce qui définit la capacité de rétention d'eau utile du sol. Il s'agit d'une quantité extrêmement variable, déterminée non seulement par certaines propriétés intrinsèques du sol (texture, profondeur, topographie, etc.), mais aussi selon la structure que l'on a pu lui faire élaborer au fil du temps.

À l'inverse, un sol de la même texture mais que l'on a travaillé intensément, sans tenir compte de son état hydrique ou de sa portance, en le consacrant à des monocultures deviendra soit un bloc compact (surtout dans les sols argileux), soit un amoncellement de particules minérales pulvérisées (sols sableux). Dans les deux cas, le sol se comportera à peu près comme une éponge que l'on aura laissée sécher sur le bord d'une fenêtre durant des années : une faible quantité d'eau infiltrée et une capacité d'absorption limitée ou nulle.

Des sols à la structure dégradée sont tout aussi limités dans leur potentiel de production lorsque arrivent des périodes de précipitations intenses : ils deviennent saturés très rapidement et leur porosité grossière disparaît, ce qui conduit à l'asphyxie des racines. On dit que les cultures « étouffent » dans de telles conditions, malheureusement très fréquentes en Montérégie.

C'était déjà un des points faibles du système traditionnel des grandes cultures au Québec. On s'est trop peu intéressé à ce qui se passait sous la surface du sol. Devant les risques accrus de connaître de telles conditions météo dans les prochaines années, il devient impératif de sortir la pelle ronde (et l'agronome!) et d'en savoir un peu plus sur l'état des sols. En matière de jardinage comme pour les grandes surfaces cultivées, creuser un peu signifie apprendre beaucoup!


Photo 1


Photo 2

Légende des photos 1 et 2 : Le même sol (loam argileux Kamouraska), mais cultivé selon deux régimes différents au cours d'une période de 40 années. En haut, compaction grave et profonde (moyenne d'infiltration de 1 cm par jour); en bas, agrégation complète sur 80 cm (structure granuleuse) et infiltration de plus de 50 cm par jour.

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Dernière mise à jour : 2020-09-02

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