Olivier Marois-Mainguy
Agronome, conseiller en économie et gestion
MAPAQ Montérégie
Le terme « biochar » est apparu depuis un peu plus d’une dizaine d’années. Il désigne une biomasse carbonisée dans un environnement limité en oxygène. Le biochar et la cendre sont toutefois différents. La cendre est le résultat d’une combustion complète de la matière organique et ne contient que très peu de carbone. Le biochar, en contrepartie, est composé de 45 % à 85 % de carbone. La particularité du carbone contenu dans le biochar est que la quasi-totalité ne se transforme qu’après des centaines voire des milliers d’années.
Plusieurs ressources scientifiques travaillent à documenter, comprendre et éclairer la réaction du sol et des cultures à l’ajout de matière organique carbonisée. Les effets sont liés au conditionnement du sol à long terme et sont plus complexes à étudier que ceux d’un amendement conventionnel de courte durée. Quels seraient les bénéfices procurés par l’ajout d’un carbone stable au sol?
- La structure poreuse des molécules améliorerait la rétention d’eau.
- La CEC (capacité d’échanges cationiques), indicatrice de fertilité, serait améliorée ainsi que la rétention d’éléments fertilisants, notamment les composés azotés.
- L’activité microbiologique profiterait d’un meilleur environnement pour se développer.
À court terme, le biochar pourrait avoir de légers effets fertilisants et chaulants, mais pourrait tout aussi bien diminuer certains éléments fertilisants disponibles. Aussi, une faible proportion du biochar est composée de matière organique active qui pourrait stimuler les microbes concurrents aux plantes pour l’utilisation de l’azote. À moyen et long terme, on pourrait miser sur le biochar pour compenser plusieurs lacunes présentes dans les sols sableux et pauvres. Le biochar est un matériel stable qui permettrait ainsi d’améliorer la structure physique du sol à long terme et d’envisager une meilleure activité biologique des sols déficients et une meilleure fertilité.
Comment l’intérêt pour le biochar est-il apparu? Il semble que ce soit lié davantage à la préoccupation de lutter contre les changements climatiques que les gains agronomiques potentiels. Au moment où la Terre a atteint le plus haut niveau de CO2 (gaz carbonique) en suspension jamais observé, l’idée de fixer le carbone dans les sols agricoles à très long terme est populaire, sans toutefois être une solution complète.
L’utilisation du biochar dans les sols pauvres pour améliorer leur productivité a fait ses preuves. Il y a 500 à 2500 ans, certains peuples de l’Amazonie ont créé des surfaces fertiles, appelées Terra Preta, en ajoutant aux sols des restes de nourriture, de poterie, de feux de cuisson, bref de déchets domestiques. La fertilité de ces sols a été changée drastiquement par rapport à leur état d’origine et elle s’est maintenue dans le temps. Cette démonstration est certes la plus éloquente à ce jour.
Les initiatives actuelles de production de biochar sont multiples. Certaines ciblent directement l’amélioration de la productivité des sols ou encore la cessation des pratiques de déforestation par brûlis, toujours utilisées dans certains pays en développement. D’autres à améliorer la gestion des déchets en les transformant en produits visant différentes fins : filtration, énergie, matériaux, etc. Le carbone a des possibilités d’utilisation très diversifiées.
Avant de promouvoir l’utilisation du biochar en agriculture, il est nécessaire d’assurer un encadrement concernant sa qualité. Les matières organiques employées pour la fabrication, les températures et les temps de séjour en combustion, bref les « recettes », sont déterminantes pour la composition, la stabilité ainsi que la présence ou non de résidus toxiques incompatibles avec l’incorporation aux sols agricoles (métaux lourds, dioxines, furanes, etc.).
La plupart des études semblent indiquer des bénéfices observables en sols sableux. Le bilan humique de ces sols est généralement négatif en raison de la décomposition plus rapide de la matière organique. Ces sols tendent à perdre leur matière organique sans apport additionnel aux cultures. Dans d’autres types de sols, les avantages du biochar sont incertains.
Quelle valeur pourrait-on attribuer à une application de 25 tonnes/ha d’un biochar qui, appliqué une fois, augmenterait la matière organique stable d’un sol de près d’un pourcent pour plus d’une génération? Une question pour laquelle les réponses se trouveront à long terme. La vie du sol, la capacité de maintenir un niveau de fertilité et la rétention d’éléments fertilisants dans les champs sont tous des arguments à considérer dans la réflexion sur une possible utilisation du biochar. Voilà une occasion de plus pour questionner les pratiques établies ou en évolution.
Pour débuter cette réflexion, notez que les échantillons de sols agricoles du Québec compilés par le MAPAQ présentent une baisse de leur contenu en matière organique. Entre 1998 et 2009, la teneur moyenne des échantillons est passée de 6,5 % à 5,5 % au Québec. En Montérégie-Est, les analyses montrent une réduction de 5,6 à 4,2 % de la matière organique.
Pour connaître davantage le biochar, l’International Biochar Initiative est un organisme qui en fait la vulgarisation et la promotion depuis 2006. Cet organisme travaille au développement de standards de qualité et à la certification des produits : http://www.biochar-international.org (site anglophone).
Voici à quoi ressemble le biochar.
Photo: courtoisie de Gestion agricole du Canada
Texte intégral: journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 21 juillet 2016