Le bio en grandes cultures : mythes et réalité

Claudia Grenier, agr.
Conseillère en grandes cultures biologiques
MAPAQ Montérégie


La demande de produits biologiques s’accroît de 10 % chaque année depuis les années 20001. Bien évidemment, cela se reflète dans les prix. En 2016-2017, une tonne de soya bio se vendait en moyenne 1048 $ et une tonne de maïs bio, 485 $, soit environ le double des prix de la production conventionnelle. On peut voir que depuis 2013, cette tendance se maintient (voir le graphique « Tendance des prix des grains biologiques »). Alors, pourquoi seulement 2 % des entreprises en grandes cultures sont-elles certifiées biologiques au Canada?

On entend parfois le préjugé selon lequel les champs de certains agriculteurs bio sont « sales », c’est-à-dire qu’on y voit davantage de mauvaises herbes. Il est vrai qu’il peut être plus difficile, dans certaines cultures en régie biologique, de contrôler les mauvaises herbes. Mais quand on sait que la valeur des grains bio récoltés est plus élevée, ne vaut-il pas la peine de tolérer quelques mauvaises herbes?

Pareillement, n’oublions pas que même dans des champs sous régie conventionnelle, le contrôle des mauvaises herbes n’est pas toujours un succès... En fait, il y en a chaque année. Les herbicides ne sont pas infaillibles. Certains sont plus efficaces lorsque c’est humide et d’autres fonctionnent mieux lorsque c’est sec. On sélectionne les produits les meilleurs possibles, on les applique et on attend que la tendance météorologique se maintienne. La réalité, c’est que les mauvaises herbes sont coriaces et de plus en plus difficiles à contrôler. Sans compter les problèmes de résistance de plus en plus fréquents.

Parmi les autres arguments en défaveur du bio qu’on entend parfois figurent les coûts plus élevés de la machinerie nécessaire à la réalisation des travaux de sarclage et les rendements moins bons. Sont-ils vrais?

Les données recueillies par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) démontrent que les marges sur coûts variables sont beaucoup plus importantes en grandes cultures biologiques. On obtient ces chiffres en soustrayant les coûts de production (ex. : intrants, essence, semences) du revenu généré. Les marges sur coûts variables sont de 1843 $/ha pour le maïs grain biologique comparativement à 529 $/ha pour le maïs grain conventionnel. Pour le soya, ces marges sont de 2204 $/ha en régie biologique, alors qu’elles sont de 570 $/ha en régie conventionnelle. Si vous cultivez des produits certifiés bio, il vous restera donc plus d’argent dans vos poches pour assumer les frais fixes et les autres charges, même si vos rendements peuvent être, en moyenne, amoindris de 25 %2.

Par contre, ces chiffres ne prennent pas en considération le salaire des employés. Il est important de noter que le besoin de main-d’œuvre est habituellement plus grand dans les fermes biologiques3. En fait, on peut observer que le temps de travail a tendance à augmenter de 30 % à 40 % en régie biologique4.

Selon les données de la Financière agricole du Québec, le prix moyen des terres en Montérégie a connu une hausse au cours des dernières années. Ainsi, il peut être plus difficile pour une entreprise agricole moyenne (105 hectares) d’avoir la marge de manœuvre financière nécessaire pour agrandir la taille de son exploitation. En revanche, elle pourrait conserver la même superficie et se convertir au bio pour augmenter ses revenus.

Les trois années nécessaires à la transition vers le bio peuvent s’avérer ardues sur le plan économique. Il y a des connaissances à acquérir et un changement de valeurs à effectuer. De même, on doit agir de façon préventive et être plus flexible vis-à-vis des ennemis des cultures et d’autres situations. C’est un pensez-y-bien, mais ça peut valoir la peine!


Source : Adaptation des Producteurs de grains du Québec, Évolution du prix des grains biologiques : marché local, 15 mars 2018.


Marges sur coûts variables selon la gestion de culture

 

 GESTION

 

 TRADITIONNELLE

 BIOLOGIQUE

 Culture  Maïs  529 $/ha  1 843 $/ha
   Soya  570 $/ha  2 204 $/ha


Note : Les chiffres n'incluent pas le salaire des employés.
Source : CRAAQ, Grandes cultures : analyse de sensibilité 2016, 2016.

Références :

 

1 MAPAQ, L’agriculture biologique, décembre 2016. 
2 bid.
3 Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Contribution des systèmes de production biologique à l’agriculture durable : rapport d’étude, octobre 2011.
4 Sophie Martel, « Ai-je le temps pour du bio? », dans Agri-Réseau [blogue], 27 février 2017.

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 12 avril 2018

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Dernière mise à jour : 2018-05-14

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