Ail : comment le sécher et le conserver?

Mario Leblanc
Conseiller en horticulture maraîchère
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
Sainte-Martine

L’ail n’a pas que son goût de singulier; c’est également une plante dont la physiologie est très particulière. Tout comme son proche parent l’oignon, ce légume est, durant son développement, fortement influencé par plusieurs facteurs environnementaux tels que la longueur du jour, la température ou l’humidité. Même les conditions requises pour sa conservation sont particulières. Alors que la majorité des légumes racines nécessitent des taux d’humidité très élevés et des basses températures, l’ail a besoin d’une humidité ni trop élevée, ni trop basse, et bien que l’on puisse aussi le conserver au froid, une température avoisinant les 20 °C est couramment utilisée. Avant d’être entreposés, les bulbes doivent aussi être rapidement et soigneusement séchés afin de prévenir toute détérioration subséquente. Ce texte présente les informations de base permettant de bien sécher et conserver ce légume, qui n’a rien d’ordinaire.

Le séchage

Dès que l’ail est récolté, il faut s’assurer de le sécher adéquatement et rapidement. Ce séchage, en plus de permettre à la variété utilisée de développer sa coloration caractéristique, a pour but de prévenir le développement des maladies. Il est particulièrement utile pour le contrôle de la pourriture du col, une maladie commune qui progresse de la base des feuilles extérieures vers l’intérieur du bulbe. Si le séchage est suffisamment rapide, le pathogène n’aura pas le temps de se rendre à la partie commercialisable et restera piégé dans les enveloppes extérieures. Un séchage rapide permet également de stopper le développement des taches noires attribuables à Embellisia. Le développement de la moisissure verte, une maladie qui survient pendant l’entreposage, est généralement relié à un séchage incomplet.

On considère qu’un bulbe d’ail est sec lorsque toutes ses pelures, incluant le collet, sont parfaitement sèches de même que la structure interne (les restes du plateau racinaire) sur laquelle sont fixés les caïeux. Seuls ces derniers doivent demeurer humides et turgescents. Un bulbe d’ail après séchage devrait avoir perdu 35 à 40 % de son poids initial. Si le feuillage a été conservé au moment de la récolte, il doit bien entendu être sec et cassant. À ce stade, il n’y a plus de risque d’introduction de maladies via l’extérieur des bulbes puisqu’il n’y a plus de tissu humide propice à la croissance des pathogènes. Étant donné que les pelures rétrécissent en séchant, un bulbe dont le collet est sec devient aussi relativement étanche à l’humidité et aux gaz (oxygène et CO2). Cette étanchéité est également essentielle pour assurer la conservation à long terme du bulbe.

Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour sécher l’ail. Comme pour l’oignon, on peut le pré sécher au champ en andains pour une période d’une à deux semaines. Cette méthode est cependant peu utilisée dans l’ail en raison des faibles densités de plantation. Il est en effet difficile de regrouper suffisamment les bulbes pour obtenir de beaux andains denses où le feuillage à sécher offrira une protection suffisante aux bulbes. Les bulbes d’ail fraîchement arrachés sont très sensibles aux insolations. Un excès de lumière peut aussi faire verdir les caïeux. Le séchage en andain est, d’autre part, fortement dépendant des conditions climatiques. Les périodes pluvieuses, en plus de retarder le séchage, peuvent favoriser l’apparition de taches sur les pelures.

Au Québec, le séchage des bulbes est généralement effectué au complet dans un bâtiment comme une vieille grange, à l’abri du soleil et de la pluie. Les bulbes sont attachés en paquets avec les feuilles puis accrochés ou disposés en couches minces sur des tablettes grillagées. Avec cette méthode, à moins que le bâtiment ne dispose d’une très bonne ventilation naturelle (beaucoup de portes et fenêtres et site exposé aux vents), il est souvent nécessaire d’ajouter des ventilateurs pour accélérer le séchage. En France, l’ail est traditionnellement séché sous des abris ouverts sur plusieurs côtés ce qui maximise l’aération (voir la photo). Pour les petits volumes, certains producteurs québécois utilisent un cabanon à l’intérieur duquel ils installent un ou deux déshumidificateurs.

Comme c’est la coutume pour l’oignon, il est également possible de couper le feuillage de l’ail au moment de la récolte. Cette façon de faire facilite le séchage et réduit l’espace requis, mais rend plus délicate la manipulation des bulbes.

Les bulbes, avec ou sans les feuilles, peuvent aussi être séchés dans des boites à légumes ajourées en plastique ou, comme c’est souvent le cas pour l’oignon, dans des caisses-palettes à fond troué. Une ventilation forcée de bas en haut à travers les boîtes est alors utilisée pour assurer un séchage rapide et uniforme. L’ajout de chaleur au début du séchage est aussi fortement recommandé pour retirer rapidement l’humidité des pelures extérieures et réduire l’incidence des maladies (voir le tableau).

Avec une ventilation forcée et l’ajout de chaleur, le séchage devrait nécessiter environ quatre semaines; en utilisant seulement l’air ambiant, on doit prévoir quatre semaines de plus.

L'entreposage

L’ail, de par sa physiologie particulière, peut être conservé suivant deux méthodes : soit au chaud, soit au froid. Les températures qui encourage le plus la germination des bulbes (la croissance du germe à l’intérieur des caïeux) se situent entre 5 et 10 °C. Il faut donc à tout prix éviter que les bulbes soient exposés à ces températures puisque, dès que la germination a débuté, il n’est plus possible de la stopper. Des bulbes dont la germination est trop avancée sont invendables.

Les deux méthodes d’entreposage généralement recommandées pour l’ail sont présentées au tableau 1. C’est l’entreposage en chambre réfrigérée entre 0 et –1 °C qui permet la meilleure conservation à long terme. Cette méthode n’est cependant conseillée que pour l’ail destiné à une consommation rapide puisque dès qu’on le sort de la chambre froide, cet ail germe rapidement (20 à 30 jours). L’ail conservé de cette manière ne peut pas non plus être utilisé comme semence.

L’entreposage à la chaleur est quant à lui plus simple à réaliser puisque les températures requises sont voisines des températures ambiantes. Les recommandations varient cependant selon la référence consultée, probablement parce que l’optimal varie également selon la variété utilisée. En pratique, les producteurs d’ail expérimentés du Québec et de l’Ontario arrivent à bien conserver leur ail à des températures variant entre 15 et 18 °C.

Le taux d’humidité de l’entrepôt doit aussi faire l’objet d’un suivi rigoureux. Une humidité trop faible (< 60 %) entraine à long terme une déshydratation des caïeux, ce qui diminue la valeur commerciale des bulbes. Une humidité trop élevée (> 75 %) risque pour sa part de déclencher l’initiation des racines à la base des caïeux. Cette émission de racines entraine la levée de la dormance des caïeux de sorte que ceux-ci germent rapidement par la suite. À plus de 85 % d’humidité relative, ce sont les maladies qui risquent en plus de recommencer à être actives.

Comme dans tout entrepôt, la ventilation demeure essentielle pour l’uniformisation de la température et de l’humidité. L’air doit circuler non seulement autour des boîtes et des amas de légumes, mais également à l’intérieur.

Principale référence consultée : Érard, P, et F. Villeneuve. 2012 L’ail. Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (Ctifl), Coll : hortipratic, 192 p.

Tableau 1: Les conditions optimales de séchage et d'entreposage de l'ail

 Étapes et conditions recommandées

 Commentaires

Séchage
Températures : 30 °C pour les premiers jours; 20 à 25 °C par la suite.
Ventilation : élevée et continue pour au moins trois semaines

L’étape à 30 °C accélère le séchage et réduit le risque de développement de la pourriture du col.

Vitesse d’air de 0,13 m/sec recommandée pour l’ail récolté dans des caisses-palettes.

Entreposage au chaud
Température : 15 à 25 °C
Humidité : 70 %
Ventilation : pour uniformiser la température et l’humidité

Une température entre 15 et 18 °C conviendrait à la plupart de nos variétés.

Plus la température est élevée, plus il est difficile de maintenir le taux d’humidité recommandé, ce qui favorise la déshydratation des caïeux.

Entreposage au froid
Température : 0 à –1 °C
Humidité : 60 à 70 %
Ventilation : pour uniformiser la température et l’humidité

Les caïeux risquent de geler à partir de – 1,5 °C.

Le taux d’humidité a tendance à augmenter à ces températures; le défi est de le maintenir bas.

Nécessite des appareils de mesure précis et, un suivi serré ou des équipements de contrôle sophistiqués.

 
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Dernière mise à jour : 2018-07-23

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