Azote : lorsque quantité et qualité font bon ménage

Gilles Tremblay, agronome
MAPAQ Montérégie


L’azote (N) est un facteur clé au niveau des besoins en éléments fertilisants du maïs. Chaque tonne de grains de maïs contient environ 13 kg d’azote. Une récolte de 10 t/ha exporte ainsi quelques 130 kg/ha d’azote. Des trois éléments majeurs en fertilisation (azote, phosphore et potassium), l’azote constitue l’élément le plus limitant à la croissance normale du maïs-grain dans une majorité des sols agricoles québécois. Un manque d’azote peut occasionner une baisse de rendement, alors qu’un excès représente un risque de contamination de l’air et de l’eau, en plus de représenter une dépense inutile. Ainsi, la surfertilisation et la sous-fertilisation occasionnent tous deux des pertes économiques non négligeables. En raison de ces enjeux économiques et environnementaux associés à la fertilisation azotée du maïs, il est donc essentiel de comprendre le rôle de l’azote dans cette production.

Au Québec, le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) recommande d’apporter de 120 à 170 kg N/ha au maïs-grain ou au maïs ensilage. Cette recommandation n’a pas changé depuis les 25 dernières années. Des études récentes réalisées au cours des 15 dernières au Québec démontrent que cette recommandation générale tient toujours. Bien que cette recommandation tienne toujours, une plus grande proportion des essais réalisés au champ ont toutefois affiché des doses économiques optimales supérieures à 170 kg N/ha. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette situation : durée réduite des rotations, baisse de la matière organique des sols, détérioration générale de la qualité des sols, changements climatiques, exigences des nouveaux hybrides, etc.

L’utilisation de l’azote par la plante et son comportement dans le sol sont complexes. La minéralisation de l’azote dans le sol est influencée par plusieurs facteurs dont : la source de fertilisants organiques ou minéraux, la rotation des cultures, les méthodes culturales, les teneurs en matière organique du sol et les résidus apportés, la texture et la structure du sol, le pH et les conditions pédoclimatiques. Plusieurs recherches ont démontré qu’un sol en santé et riche en azote peut fournir plus des deux tiers des besoins en N des cultures tandis qu’un sol pauvre ou compacté avec de faibles potentiels de minéralisation ne peut fournir que moins d’un tiers des besoins en N des cultures.

L’azote que l’on apporte au maïs est-il bien récupéré par la plante? Une étude américaine réalisée au début des années 2000 a démontré qu’en moyenne, 37 % de l’azote appliqué était récupéré par le plant de maïs. Une telle étude a aussi été réalisée sur des données québécoises colligées de 2011 à 2017. Cette étude a montré que le maïs cultivé au Québec démontrait un taux de récupération de l’azote appliqué comparable et même supérieur à celui observé chez nos voisins du sud. Bien qu’il soit réconfortant de constater que notre système de production de maïs semble aussi performant à récupérer l’azote appliqué que nos voisins américains, la notion de récupération de l’azote ne devrait pas constituer la seule manière d’évaluer la performance de notre système de production. En effet, l’azote le plus efficace est celui que l’on n’applique pas, tout en obtenant le meilleur rendement économique.

La fertilité d’un sol ne se limite pas à la seule fertilisation qu’on lui apporte. Les rotations et les espèces qui sont ensemencées peuvent jouer un impact important sur les besoins en azote de la culture suivante, et particulièrement si cette culture est le maïs. Voici un exemple québécois fort éloquent. Suite à une production de blé sur une parcelle en 2016, différentes espèces végétales (vesce, trèfle, pois, radis) ont été ensemencées à la dérobée, puis enfouies. En 2017, des doses croissantes d’azote ont été appliquées au maïs-grain selon des essais bien structurés au champ. Les doses économiques optimales en azote ont été évaluées pour chaque espèce. Pour le précédent de blé sans culture dérobée, la dose économique optimale a été de 200 kg N/ha pour un rendement de 13,7 t/ha. Toutes les espèces introduites à la dérobée suite au blé ont permis de réduire les besoins en azote. Les doses économiques optimales ont varié de 0 à 161 kg N/ha selon l’espèce en dérobée pour des rendements variant de 13,6 à 15,2 t/ha. Il semble donc que l’intégration d’espèces végétales autres que les grandes cultures typiques de la Montérégie (blé, soya ou maïs), aient eu des effets bénéfiques sur les besoins en azote du maïs. Les effets bénéfiques des cultures en dérobée ne peuvent pas être associés uniquement à leur apport en azote au maïs car elles ne contribuent vraisemblablement pas à apporter de 40 à 200 kg N/ha.

La fertilité d’un sol ne se limite donc pas uniquement aux quantités d’azote apportées par le producteur ou à une équivalence en azote des plantes intégrées en intercalaire ou à la dérobée. En effet, d’autres phénomènes associés à une présence diversifiée de cultures ont sans doute des impacts bénéfiques sur les composantes du sol. L’importance de ces phénomènes agronomiques est souvent sous-estimée sur la productivité de nos systèmes agricoles.

 

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 20 septembre 2018

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Dernière mise à jour : 2018-10-12

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