Bénéficiez-vous des services gratuits de la nature ?

Elisabeth Lefrançois, agronome, conseillère en productions fruitières émergentes et répondante en horticulture biologique
Direction régionale de la Montérégie
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation


Ce n’est pas nouveau : plus un système écologique est composé d’un grand nombre de formes de vie plus les interactions y sont riches. Ces dernières permettent au système de se tempérer lui-même dans des situations particulières comme les aléas climatiques. Ce phénomène s’appelle la résilience. Nos systèmes agricoles sont majoritairement des monocultures sensibles aux variations climatiques ou à d’autres événements inattendus. Ce sont des systèmes rigides qui fonctionnent sous le mode « action-réaction ». En créant les conditions pour augmenter le nombre d’interactions et leur richesse, on permet à plusieurs services écosystémiques de se mettre en place, ce qui accroît la résilience du système.

Vous avez dit services écosystémiques?

Les services écosystémiques sont des services qui sont rendus par la nature, on les qualifie d’avantages de la nature. Ils découlent d’un comportement naturel, par exemple celui d’un insecte, d’une plante ou d’un microorganisme, qui apporte d’autres avantages aux systèmes environnants (faune, flore) et, par défaut, à nous-mêmes.

Les services écosystémiques dépassent grandement l’agriculture, mais il y en a qui lui sont propres. Ce sont des services auxquels on ne pense pas toujours. Le plus connu est la pollinisation, phénomène qui frappe l’imaginaire. Mais la prédation des ravageurs, la filtration de l’air, le maintien de la qualité de l’eau, le contrôle de l’érosion, la transformation des matières fertilisantes sont d’autres exemples de ces services naturels. L’eau d’érable est aussi, d’une certaine façon, un service écosystémique!

La pollinisation a souvent défrayé les manchettes dans les dernières années. Elle est fortement affectée par plusieurs pratiques agricoles, et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a déterminé sa valeur économique. Les abeilles domestiques fournissent à elles seules un service de pollinisation valant plus de 2 milliards de dollars par année au Canada.

Par contre, pour la grande majorité des services écosystémiques, il est souvent très difficile de déterminer une valeur économique, et donc d’établir l’importance de ceux-ci sur une entreprise. Ceci s’applique tout particulièrement aux insectes prédateurs des ravageurs. Ces insectes sont des chasseurs de l’ombre qui agissent sans qu’on s’en aperçoive et qui peuvent réduire les populations de ravageurs sans toutefois les éliminer complètement.

Avez-vous votre SNAP?

Qui dit attirer des insectes, dit fournir les ressources nécessaires à leur survie. Mais quelles sont-elles? Un sigle anglais décrit très bien ces ressources essentielles : SNAP (Shelter, Nectar, Alternate host, Pollen), qui se traduit par abris, nectar, proie alternative et pollen.

L’implantation de bandes fleuries, de haies ou de brise-vent végétal est une bonne méthode pour fournir les ressources nécessaires aux insectes prédateurs des ravageurs de cultures. Certaines plantes de couverture, par exemple les trèfles, la phacélie, peuvent aussi fournir ces ressources. Ces pratiques réduisent également l’érosion, maintiennent la qualité de l’eau, diminuent les corridors de vents, augmentent la qualité du sol, etc. Les multiples usages de ces aménagements du territoire rendent plus intéressant leur établissement. Le choix de l’aménagement dépend bien sûr du type de production de l’entreprise, mais il suffit de s’adapter aux contraintes ou de profiter des opportunités. On pense souvent, et avec raison, à l’aménagement des bords de champs, de fossés, mais il existe plusieurs autres options pour augmenter la biodiversité sur une entreprise. Il suffit de penser aux sections non productives, en raison du passage de la machinerie ou d’un problème au niveau du terrain, au pourtour des bâtiments et des serres, au bout de planches et aux cultures intercalaires. Mais quels que soient le type d’aménagement et son objectif, il sera toujours intéressant d’observer l’activité des insectes.

Qu’est-ce qui se passe dans le champ?

Comme toujours lorsque l’on travaille avec le vivant, les particularités propres à chaque environnement vont avoir un impact sur les insectes présents et leurs actions. Bien que plusieurs services écosystémiques soient bien documentés, par exemple on sait que les punaises Nabidae raffolent des punaises ternes, que les larves de coccinelles peuvent manger plusieurs centaines de pucerons par jour, il est difficile de connaître l’impact réel sur une entreprise en termes de phytoprotection.

Certaines données proviennent d’Europe, mais des intervenants québécois travaillent de plus en plus sur des projets pour en savoir davantage et documenter cette pratique d’aménagement et ses impacts au niveau entomologique. Les centres de recherche, les universités, les clubs conseils et les conseillers du MAPAQ sont impliqués dans des projets portant sur différents aspects des aménagements de biodiversité au Québec.

Bien sûr, les observations à la ferme peuvent également permettre d’en apprendre beaucoup. Ce sont des observations propres à votre entreprise, à votre système. Vous pourriez faire de belles découvertes. Parlez-en à des agronomes, ils peuvent vous aider à déterminer quand et quelles observations faire, les faire ou vous référer à quelqu’un qui le peut.

Et n’oubliez pas qu’aussi efficaces que puissent être les prédateurs, ils ne détruiront pas entièrement les populations de ravageurs. Mais, ils contribuent à la biodiversité, tout comme les aménagements qui les abritent, et donc à la résilience de votre système. Il faut être prêt à voir le bon côté de la biodiversité!

 
Photo Éric Labonté, MAPAQ




Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 22 août 2019

 
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Dernière mise à jour : 2019-08-23

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