​Bonnes pratiques pour tenir la résistance aux herbicides loin de vos champs

Stéphanie Mathieu, agronome
Conseillère en grandes cultures
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Dans la nature, des biotypes de mauvaises herbes possédant les gènes de résistance à certains herbicides sont présents dans les populations. Le fait de pulvériser, dans les champs, année après année, le même herbicide ou des herbicides du même groupe favorise la survie de ces mauvaises herbes qui, à leur tour, produisent des graines avec leurs caractéristiques génétiques, créant ainsi une population résistante.

Au Québec, on répertorie onze espèces de mauvaises herbes résistantes à certains herbicides. La plus commune est la petite herbe à poux, suivie de la morelle noire de l’est et de la sétaire géante, toutes trois résistantes au groupe 2 (ex : PursuitMD, ClassicMD, etc.). Il est à noter que, bien qu’elles aient été récemment confirmées, on trouve trois espèces résistantes au groupe 9 (glyphosate). Il s’agit de l’amarante tuberculée, de la moutarde des oiseaux et du canola spontané. Le secteur des grandes cultures (maïs-soya) de la Montérégie est le plus touché.

Certaines observations peuvent nous faire soupçonner une résistance aux herbicides. D’abord, le fait d’avoir utilisé, année après année, un herbicide du même groupe. Ensuite, le constat qu’une seule espèce de mauvaise herbe n’a pas été détruite par l’herbicide et qu’elle est distribuée de façon aléatoire dans le champ (et non pas selon un patron d’arrosage) et disposée en îlot. On peut également soupçonner une résistance si la mauvaise herbe a été affectée par l’herbicide, mais qu’elle a repris sa croissance.

Si le doute vous assaille, un avis agronomique est de mise afin d’établir un diagnostic. Des échantillons de feuilles ou de semences pourront alors être acheminés soit au Laboratoire de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ, soit au Service de détection de la résistance du CÉROM. Deux méthodes de détection sont disponibles, en fonction de l’espèce de mauvaise herbe et du mode d’action de l’herbicide. La méthode moléculaire (utilisée par le MAPAQ) est plus rapide que la méthode traditionnelle (utilisée par le CÉROM), puisque cette dernière demande de faire germer les semences de mauvaises herbes afin de soumettre les plants aux traitements herbicides. 

La méthode de détection moléculaire s'effectue en laboratoire et permet généralement d'obtenir un résultat en deux semaines pour les mauvaises herbes et les groupes suivants : l'amarante tuberculée (groupes 2 et 9), la digitaire sanguine (1), le chénopode blanc (5), la morelle noire de l'Est (2), la petite herbe à poux (2, 5 et 7), la stellaire moyenne (2), la moutarde des oiseaux (9). La méthode recourt aussi à la différentiation par PCR (réaction en chaîne par polymérase) des espèces du genre Brassica (ex. : canola, moutarde des champs, moutarde des oiseaux".


Par ailleurs, afin d’éviter la sélection des mauvaises herbes résistantes dans vos champs, certaines précautions peuvent être mises en œuvre :

  1. Diversifier les cultures : les cultures à espacement plus étroit font compétition aux mauvaises herbes (céréales, pois de conserverie, prairies, etc.).
  2. Faire des rotations de groupes d’herbicides ou ne pas employer le même groupe année après année.
  3. Nettoyer la machinerie et terminer avec les champs où il y a des mauvaises herbes résistantes.
  4. Implanter des cultures de couverture ou utiliser des engrais verts afin d’occuper le sol (la  nature a horreur du vide!).
  5. Adopter d’autres méthodes de désherbage comme le sarclage (ex. : passage du peigne en prélevée de la culture).
  6. Dépister ses champs.

D’autres bonnes habitudes peuvent aussi être prises, comme la fauche des fossés, pour éviter la production de semences des mauvaises herbes annuelles, et la tenue d’un registre des interventions phytosanitaires.

La biosécurité est également un aspect à privilégier. À ce propos, une voie de contamination non négligeable est la machinerie, qui peut transporter des semences de mauvaises herbes résistantes.

Notons qu’une enquête concernant les mauvaises herbes résistantes au glyphosate, présentement menée par Mme Marie-Édith Cuerrier et le groupe Pleine Terre, touche entre autres régions la Montérégie. Cette étude porte sur les mauvaises herbes suivantes : la petite herbe à poux, l’amarante tuberculée, la vergerette du Canada et la moutarde des oiseaux. Ainsi, si vous croyez qu’une de ces mauvaises herbes résistantes au glyphosate est présente dans vos champs, nous vous invitons à communiquer avec le conseiller en grandes cultures du MAPAQ de votre région.

En somme, bien que de nouveaux noms commerciaux d’herbicides apparaissent chaque année, peu de nouvelles matières actives sont développées par les compagnies. Les « nouveaux » herbicides sont souvent composés de mélanges de matières actives déjà existantes. D’où l’importance de bien s’informer afin de faire une rotation de modes d’action. Finalement, afin d’éviter la résistance, mieux vaut adopter d’autres pratiques culturales plutôt que de compter uniquement sur les herbicides.

Sources d’information :

 Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 3 janvier 2019.

 
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Dernière mise à jour : 2020-01-29

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