Maïs-grain : Pourquoi encore parler d'azote en 2019? (1/5)

Gilles Tremblay, agronome,
Direction régionale de la Montérégie, secteur Est
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Léon-Étienne Parent, agronome,
Professeur émérite
Université Laval

Pourquoi encore parler d’azote en 2019 ? C’est une question qui vaut des millions ! Depuis l’an 2000, il se cultive en moyenne 400 000 hectares (ha) de maïs-grain au Québec annuellement.

Pour le maïs-grain, le guide de fertilisation du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) recommande de façon générale un apport d’azote de 120 à 170 kg/ha selon la zone climatique et la texture du sol. Chaque augmentation de 1 kg d’azote de la dose moyenne appliquée au Québec correspond à une application supplémentaire de 400 tonnes d’azote. Uniquement dans la production du maïs-grain, les producteurs agricoles du Québec utilisent annuellement de 50 à 70 000 tonnes d’azote de synthèse, ce qui représente de 50 à 70 millions de dollars en coûts de production.

Des trois éléments majeurs en fertilisation (azote, phosphore et potassium), l’azote constitue l’élément le plus limitant à la croissance normale du maïs-grain dans une majorité des sols agricoles québécois. Plusieurs recherches ont démontré qu’un sol en santé et riche en azote peut fournir plus du deux tiers des besoins en azote des cultures tandis qu’un sol pauvre ou compacté avec de faibles potentiels de minéralisation ne peut fournir que moins d’un tiers des besoins en azote des cultures.

Pour bien comprendre la réponse d’une culture à l’apport progressif d’un élément fertilisant, il faut absolument regarder l’ensemble de la courbe de réponse et non les valeurs associées à chacune des doses évaluées. Pour obtenir une courbe de réponse qui soit la plus représentative possible, il faut donc bien choisir les doses évaluées. Dans le cas de l’azote, les essais à la ferme devraient comporter de trois à cinq doses en plus de celle mise au démarreur. Pour tenir compte de la variabilité au champ, il faudrait que ces doses soient répétées de deux à quatre fois. L’ensemble de l’essai serait donc alors constitué de 15 à 25 parcelles, ce qui apparaît réalisable au champ.
Maintenant, il faut passer au choix des doses. Pour avoir des courbes de réponse représentatives à partir de quatre à six doses d’azote, il faut que les doses représentent un éventail assez large. Pour atteindre cet objectif, l’utilisation de doses croissantes variant de 40 à 60 N/ha est conseillée. Cette étape franchie, on peut passer à l’analyse des résultats et déterminer la dose économique optimale selon les réalités du marché de l’azote et du commerce des grains.

Description du travail réalisé

De 1997 à 2017, près de 500 essais ont été réalisés dont plus de 90 % chez des producteurs agricoles. Ces essais ont été réalisés sous la supervision de Gilles Tremblay lorsqu’il travaillait au CÉROM. Tous les essais ont été réalisés avec la collaboration de conseillers agricoles du MAPAQ ou des conseillers de clubs conseils en agroenvironnement (CCAE). Les sites retenus ne devaient pas avoir reçu de fumier ou de lisier au cours des deux années précédentes. De plus, le semis du maïs ne devait pas avoir été exécuté après le 15 mai, ce qui correspondait à la fenêtre optimale de semis pour cette espèce. La quantité d’azote dans le démarreur ne devait pas dépasser 60 kg N/ha. À la suite de l’application des critères de sélection à l’ensemble des 500 essais réalisés, 344 ont été retenus qui les respectaient tous. Les analyses statistiques ont été réalisées sur chacun de ces essais afin de vérifier si l’ajout d’azote avait des impacts significatifs sur la teneur en eau, le poids spécifique et le rendement en grains. Les doses économiques optimales ont été calculées en utilisant un prix du maïs de 200 $ la tonne et un coût de l’azote de 1,10 $ le kilogramme.

Quel serait l’impact de modifier le prix du maïs ou de l’azote sur les doses économiques optimales (DÉO) ? En se basant sur les résultats de 152 essais réalisés par l’IRDA et le CÉROM de 2006 à 2010 et leurs modèles de réponse, il aurait été économiquement rentable d’apporter de 5 à 10 kg d’azote/ha de plus à cette culture pour une augmentation de 25 $ à 50 $/t du maïs. La variation du prix de l’azote aurait des impacts similaires aux variations des prix du maïs. Dans l’optique d’une réduction du prix de l’azote à 0,80 $ ou 0,90 $ l’unité, il serait aussi économiquement rentable d’apporter de 5 à 10 kg d’azote/ha de plus à cette culture, pas plus.

Effets de la fertilisation minérale azotée

Selon les résultats obtenus, la fertilisation minérale azotée a eu très peu d’impacts sur la teneur en eau des grains. En effet, il a été possible de mesurer cet effet sur 325 des 344 essais réalisés. Un effet significatif a été observé dans 2 de ces 325 essais, ce qui ne représente que 0,6 % des cas. L’effet de l’azote sur la teneur en eau des grains ne semble pas avoir changé au cours des 21 dernières années.

Qu’en est-il du poids spécifique des grains ? Les réponses obtenues sont pratiquement les mêmes que celles observées pour la teneur en eau des grains. L’ajout d’azote n’a permis d’améliorer le poids spécifique des grains que dans un seul cas sur 335.

Enfin, y a-t-il un impact sur le rendement en grains ? Le constat est tout à fait différent de ceux observés pour la teneur en eau et le poids spécifique des grains. Ainsi, l’apport d’azote s’est traduit par des augmentations de rendements dans 75 % des cas pour l’ensemble de la période de 1997 à 2017. De 1997 à 2003, l’azote a eu des effets significatifs pour 47 des 75 essais soit dans 63 % des cas. Puis, de 2004 à 2010, l’apport d’azote a permis des augmentations de rendements dans 75 % des cas, soit pour 120 des 160 essais réalisés. Enfin, de 2011 à 2017, l’ajout d’azote minéral a eu des effets significatifs sur les rendements en grains du maïs pour 91 des 109 essais, ce qui représentait 83 % des cas.

De 1997 à 2017, la proportion des essais où l’azote avait un effet significatif sur les rendements en grains a donc progressé de 63 à 83 %. Cette proportion a augmenté de près de 1 % annuellement au cours des 21 dernières années. Le maïs-grain semble donc répondre de plus en plus à la fertilisation minérale azotée. Comment peut-on expliquer ce phénomène ? Dans le prochain article (2 de 5), nous poursuivrons l’analyse des résultats et tenterons d’expliquer ce phénomène.

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 11 avril 2019.

 
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Dernière mise à jour : 2019-04-17

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