Maïs-grain : Pourquoi parler encore d'azote en 2019? (3/5)

Gilles Tremblay, agronome
Direction régionale de la Montérégie
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Léon-Étienne Parent, agronome
Professeur émérite
Université Laval

Dans ce troisième texte, nous analyserons les données recueillies en adoptant l’approche des bilans. Pour ce faire, les bilans de l’azote de surface ne seront pas exhaustifs, mais sommaires. Nous ne considérerons pas l’azote contenu dans les résidus de la culture du maïs, puisque ceux-ci sont généralement retournés au sol et demeurent ainsi dans le système. La 2e édition du Guide de référence en fertilisation (GREF 2010) indique qu’en moyenne, chaque tonne de grains de maïs contiendrait 16,5 ± 2,3 kg N/t. Selon les analyses de grains que nous avons réalisées de 2011 à 2017 sur plus de 2 000 échantillons provenant de conditions fort diverses, nous avons obtenu une concentration moyenne de 12,8 ± 1,3 kg N/t. Cette estimation moyenne de la concentration en azote des grains de maïs est de plus de 20 % inférieure à celle du GREF de 2010. Les données provenant d’échantillons de maïs recueillis en 1995 ont aussi indiqué une concentration moyenne de 12,8 kg N/t. Nous avons donc utilisé cette concentration de 12,8 kg N/t pour estimer les exportations azotées des grains de maïs pour tous les essais réalisés de 1997 à 2017.

Bilans sommaires de l’azote de surface : approche générale

Les bilans azotés de surface ont été réalisés en tenant compte de l’azote apporté à la dose économique optimale d'azote (DÉO) et en tenant compte de la quantité correspondante estimée d’azote exportée dans les grains récoltés pour chacun des 344 essais. Les bilans de surface ont peu varié au cours des trois périodes étudiées. De 1997 à 2003, le bilan moyen de surface a été de -4,7 kg N/ha. Les exportations étaient donc légèrement supérieures aux apports en azote des DÉO mesurées. Puis, pour les périodes de 2004 à 2010 et de 2011 à 2017, les bilans ont pratiquement été nuls avec des bilans respectifs de +0,3 et de -0,3 kg N/ha. En moyenne, les exportations en azote contenu dans les grains étaient équivalentes aux apports en azote de la fertilisation. Donc, en réalisant des bilans azotés de surface sur l’ensemble des essais, nous atteindrions pratiquement l’équilibre pour la fertilisation minérale azotée du maïs-grain au Québec.

Bilans sommaires de l’azote de surface : approche spécifique

Pour mieux évaluer la relation entre les DÉO et les bilans apparents à la surface du sol, il est préférable d’utiliser les valeurs individuelles des 344 essais au lieu de les regrouper d’une quelconque manière. La relation linéaire ainsi obtenue est la suivante :

BILAN APPARENT AZOTÉ = (0,89 x DÉO) – 130, exprimée en kg N/ha.

Cette équation possède un coefficient de détermination ou de régression linéaire de 0,83 ou 83 %. Cette valeur signifie que l’équation liant les DÉO aux bilans apparents azotés explique 83 % des variations liant ces deux variables, ce qui est excellent comme relation. En utilisant les données objectives des 344 essais réalisés de 1997 à 2017, nous constatons donc que les bilans apparents azotés sont réellement liés aux DÉO. Il existe, bien sûr, une certaine variabilité entre les deux séries de valeurs, mais qui n’atténue pas l’importance de la relation démontrée entre les DÉO et les bilans apparents azotés.

Comment doit-on interpréter cette relation? Expliquons-la en augmentant graduellement la DÉO. Si la DÉO obtenue était de 0 kg N/ha, le bilan apparent azoté serait alors de -130 kg N/ha. Ce résultat signifie que le sol aurait fourni un équivalent de 130 kg N/ha en puisant à même ses réserves. Si la DÉO variait de 120 à 170 kg N/ha, soit l’intervalle de la recommandation générale reconnue au Québec, le bilan apparent varierait de -23 à +21 kg N/ha. Le bilan 0 serait obtenu à 146 kg N/ha, soit pratiquement la valeur à mi-chemin entre 120 et 170 kg N/ha. Des DÉO de 200 et 250 kg N/ha se traduiraient par des bilans apparents azotés respectifs de +48 et de +92 kg N/ha.

Évolution des DÉO, des rendements et des exportations

Selon les observations réalisées au cours des 20 dernières années, les DÉO associées au maïs-grain auraient augmenté en moyenne de 2,8 kg N/ha, ce qui a apporté près de 60 kg N/ha de plus dans l’écosystème agricole en 2017 comparativement à 1997. Les rendements au cours de la même période ont augmenté en moyenne de 246 kg/ha/an, ce qui donne une augmentation totale de près de 5 tonnes pour les 20 dernières années. En utilisant une concentration dans les grains de 12,8 kg N/t, les exportations associées à cette augmentation de rendement de près de 5 tonnes correspondent à 64 kg N/ha. Selon ces apports et ces exportations azotés déterminés dans les DÉO, les bilans apparents à la surface du sol auraient dû s’approcher, en théorie, d’un bilan neutre (0) en 2017. La réalité peut être toutefois différente, car le système n’est pas totalement efficace et de nombreuses pertes peuvent subvenir pendant tous les processus associés au cycle de l’azote.

Voir sur 20 ans ou se fier aux dernières années?

Puisqu’il y a eu des augmentations importantes de rendement en grains et de DÉO au cours des 20 dernières années, il serait préférable de tirer des conclusions à partir des données les plus récentes que nous avons accumulées, soient celles de la période de 2011 à 2017. D’ailleurs, la vie utile des hybrides commerciaux sur le marché ne dépasse généralement pas les quatre à cinq ans. Selon nos observations, l’amélioration génétique des hybrides aurait permis de réduire les besoins en azote par tonne de grains produits de maïs de 30 % au cours des 20 dernières années. Malgré cette augmentation de l’efficacité à produire du grain pour chaque unité d’azote, les DÉO ont tout de même progressé de près de 3 kg N/ha annuellement.

Cette observation pourrait nous laisser croire que les augmentations de rendement mesurées au cours des 20 dernières années au Québec semblent être liées plus à l’amélioration génétique des hybrides qu’à l’amélioration des pratiques culturales ou de la régie de cette culture. Plusieurs éléments de la régie du maïs ont toutefois changé au cours des deux dernières décennies : augmentation des pratiques culturales dites de conservation, augmentation de la taille des équipements agricoles, diminution des rotations, augmentation des densités de peuplement, augmentation des doses d’azote, etc. Il est toutefois difficile de conclure qu’un ou plusieurs de ces changements de régie aient réellement permis de faire progresser les rendements en grains du maïs. Certaines études ont estimé que 28 % du pourcentage d’augmentation de rendement du maïs américain depuis 1981 seraient attribuables au réchauffement de la planète. Ce phénomène joue sans doute aussi un rôle dans l’augmentation des rendements observés au Québec.

Rappelons que ces essais ont été réalisés sous la supervision de Gilles Tremblay lorsqu’il travaillait au CÉROM. Tous les essais ont été réalisés avec la collaboration de conseillers agricoles du MAPAQ ou des conseillers de clubs conseils en agroenvironnement (CCAE).



Photo Gilles Tremblay, MAPAQ




Photo Louis Robert, MAPAQ

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 22 août 2019

 
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Dernière mise à jour : 2019-08-29

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