La pourriture à sclérote du soya : le défi de la prévision du risque de maladie

Yves Dion, agronome
Conseiller en grandes cultures
Direction régionale de la Montérégie 
Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

Yvan Faucher, agronome
Conseiller en grandes cultures
Direction régionale de la Montérégie
Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

Sylvie Rioux, agronome
Chercheure
Centre de recherche sur les grains (CEROM)


La pourriture à sclérotes causée par Sclerotinia sclerotiorum est une maladie importante et fréquente dans la culture du soya. C’est une maladie à champignon qui est favorisée par des conditions humides à certains stades de développement de la plante. L’infection a lieu au moment où les pièces florales flétrissent, alors que le champignon pénètre les tissus sénescents des fleurs fécondées et d’autres tissus morts de la plante.

Il est important de connaître les facteurs qui concourent au risque d’infection. Différentes pratiques culturales peuvent contribuer à réduire le risque1, mais les connaissances sur l’ensemble des conditions qui affectent le risque de la maladie sont insuffisantes et elles doivent progresser dans le but de mener une meilleure lutte intégrée. La répression par des fongicides est un moyen de lutte, mais il y a lieu d’en faire un usage raisonné pour limiter le développement de la résistance du champignon et aussi pour des considérations d’ordre environnemental. Cela implique d’en faire l’usage lorsque les conditions sont clairement favorables au champignon.

Quelles sont donc ces conditions favorables à la propagation de la maladie? On doit détailler, d’une part, les conditions qui sont favorables au développement du champignon et, d’autre part, celles qui sont propices à l’infection de la plante hôte. Ainsi, un groupe réunissant des conseillers du MAPAQ, des experts et des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et du Centre de recherche sur les grains (CÉROM), avec l'appui du groupe « Maladies des grandes cultures » du Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP), a lancé des études de surveillance et de monitorage de la maladie. Des sclérotes ont été implantés dans les champs de soya de plusieurs régions agricoles du Québec et on a observé la fructification des sclérotes, le développement des apothécies qui portent les spores infectieuses et le développement de la maladie dans les champs sous étude. Ces activités se sont déroulées en 2017 et en 2018.

Il faudra encore beaucoup de données et d’observations pour comprendre et quantifier correctement le risque de développement de la maladie. Jetons toutefois un regard sur les cas de quelques sites pour discuter des facteurs qui ont une incidence sur le risque de la maladie dans la culture du soya. Nous prenons principalement en considération le développement des spores infectieuses produites par les apothécies, ce qui représente la première phase de la maladie. La production des spores est déterminante pour la suite des choses, à savoir l’infection de la plante hôte par l’agent pathogène.

Le cas d’un premier site en Montérégie (Montérégie-1, 2018) présente une situation où on n’a observé aucune fructification des sclérotes, soit aucune apothécie et une absence de maladie (voir la figure). C‘est une situation simple à saisir lorsqu’on considère la quasi absence de précipitations au moment où la plante était à un stade très favorable à l’infection (stades R1–R2). Le semis à 15 pouces d’écartement a vu les rangs se refermer tardivement, après la période critique d’infection. Ces conditions n’ont pas contribué à créer un environnement propice (sol frais et humide, ombrage) favorisant le développement des apothécies puis des spores. La fermeture des rangs amène potentiellement des conditions plus favorables au développement des spores et à l’infection. Le cas Montérégie-2 (2018) a vu des apothécies se développer (après la fermeture des rangs). Les précipitations et les conditions plus humides ont favorisé la fructification des sclérotes, mais le développement de la plante était suffisamment avancé pour éviter l’infection. Une information de cette nature permet d’avancer qu’une intervention à l’aide d’un fongicide n’est pas nécessaire.

En 2017 (cas Lanaudière, 2017), les précipitations devaient être suffisantes, puisqu’on a observé un grand nombre d’apothécies. La fermeture hâtive du couvert végétal a pu également contribuer à maintenir des conditions favorables à la fructification des sclérotes. Les apothécies sont apparues au moment où les plantes étaient à un stade de développement favorable à l’infection.

Ce type de mesures et d’observation peut contribuer au développement d’un modèle prévisionnel de risque de la pourriture à sclérotes dans la culture du soya. C’est ce que le CÉROM a entrepris grâce au financement obtenu pour une période de trois ans par l’entremise du programme Prime-Vert. Une équipe formée de chercheurs, d’experts et de conseillers d’organisations publiques et universitaires s’attellera à cette tâche.

Le développement ou la validation d’un modèle prévisionnel de risque exige la collecte de beaucoup de données sur plusieurs années et dans des différents sites présentant des conditions variées. Il faudra de plus vérifier l’importance de multiples facteurs : type de sol, écartement des rangs, préparation du sol, utilisation de cultures de couverture, etc. Un modèle prévisionnel fiable doit signifier ses limites.


Référence 
1Agri-Réseau – « La pourriture à sclérote chez le soya »


Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 11 avril 2019

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Dernière mise à jour : 2019-04-24

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