Atténuation de la sécheresse : la réserve en eau du sol​

​Par Louis Robert, agronome de la Direction régionale de la Montérégie-Est du MAPAQ​

L'importance de la matière organique pour garantir une bonne santé des sols est souvent mise en relief, en particulier pour l'effet positif de cette matière sur la capacité d'absorption et de rétention en eau du sol. Cela n'est certainement pas faux, mais il y a peut-être une façon plus accessible et efficace d'arriver à ce résultat : l'adoption du semis direct permanent.

La recherche scientifique révèle que l'effet de l'augmentation de la matière organique (MO) sur la réserve en eau utile sera toujours plus marqué pour un sol dont la teneur initiale en MO est faible par comparaison avec un autre qui en est moyennement pourvu. Cet effet diminue rapidement à mesure que l'on accroît la teneur initiale en MO. Par exemple, un sol sableux dont la MO s'est accrue de 1 à 2 % a vu sa réserve en eau utile s'améliorer de 180 mètres cubes par hectare (m3/ha). Cependant, faire passer la MO de 2 à 3 % dans le même sol réduira de moitié l'augmentation escomptée (90 m3/ha). Il ne faut même pas s'attendre à un effet significatif si le sol est déjà bien pourvu de MO (de 3 à 4 % pour un sol sableux)1.

Dans plusieurs régions du Québec, on observe une baisse lente et graduelle des proportions de matière organique, à des degrés divers. C'est le cas en Montérégie, où les sols (argileux pour la plupart) contiennent encore généralement plus de 3 % de MO. Qui plus est, la recherche a démontré que l'effet absorbant de la MO est moins accentué dans un sol argileux, en raison de l'affinité d'un tel sol avec des substances organiques qui repoussent l'eau (hydrophobes) et qui permettent de résister aux facteurs de désagrégation. Des études rapportent même une diminution de la capacité de rétention en eau utile des sols argileux soumis à des traitements favorisant un accroissement de la MO!

En participant au développement d'une structure plus grumeleuse, propre à un sol en santé, le semis direct permanent accentue l'« effet éponge » du sol, par rapport au travail de sol traditionnel (labour d'automne et hersage du printemps). Les essais de longue durée (dix ans) réalisés par M. Gilles Tremblay, chercheur au Centre de recherche sur les grains (CEROM), à Saint-Mathieu-de-Belœil, font état d'une différence de 610 m3/ha de la réserve en eau utile à l'avantage du semis direct, au cours d'une année sèche2, et ces résultats sont obtenus pour un loam argileux qui compte au départ 5,1 % de MO. C'est l'équivalent de 10 citernes de 3000 gallons d'eau par acre (25 par hectare) de plus! On a constaté une capacité de rétention de l'eau supérieure dans l'ensemble du profil, mais elle est davantage marquée dans les 20 premiers centimètres. Voilà le signe que cet effet résulte d'une amélioration de la structure :  l'agrégation du sol, telle que mesurée par le diamètre des agrégats, a bondi de 38 %.​

Enfin, une autre piste très efficace pour réduire la dépendance des cultures à une pluviométrie « normale » consiste à empêcher, ou à corriger, la compaction du sous-sol. Certaines cultures, dont celle du maïs, peuvent aller chercher l'eau aussi profondément qu'à 240 cm sous la surface. Même lors des années sèches, il y a toujours à cette profondeur une quantité d'eau accessible aux racines, pourvu que celles-ci puissent s'y rendre. Par ailleurs, la présence de racines dans les drains ne signifie pas nécessairement qu'elles « cherchent » l'eau. Dans les sols argileux compacts, par exemple, les racines vont emprunter les fissures au-dessus du drain pour aller saisir l'oxygène là où il se trouve, c'est-à-dire dans le drain, alors que le profil est saturé d'eau sur 1,5 m. Même durant les périodes de sécheresse intense, comme aux mois d'août 2012 et de juillet 2020, les sols argileux très compacts étaient encore gorgés d'eau à 2 m de profondeur. À l'opposé, un sol en santé, qu'il soit argileux, limoneux ou sableux, aura toujours une structure assez poreuse pour permettre les échanges gazeux (respirations microbienne et racinaire), même au cours d'une saison plus humide que la normale. Compte tenu du temps requis pour l'obtention d'une telle structure, il devient urgent de s'y consacrer dès maintenant si on veut être en mesure d'affronter les aléas climatiques à venir. 

Références

1.  Rattan Lal, 2020. “Soil organic matter and water retention", Agronomy Journal, vol. 112, issue 5, p. 3265-3277.

2.  Gilles Tremblay, 2020. Communication personnelle (non publiée). 



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Dernière mise à jour : 2021-02-12

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