Seigle et triticale : des céréales semées à l’automne pour une récolte abondante de fourrage de qualité au printemps

Par Louis Robert, agronome, de la Direction régionale de la Montérégie-Est du MAPAQ

Après l'été de sécheresse que nous avons connu, de nombreux éleveurs sont à la recherche de solutions de rechange pour l'approvisionnement en fourrage de leur troupeau. Je les encouragerais à envisager le semis de seigle ou de triticale d'automne, une pratique qui est largement répandue dans les fermes laitières de la Nouvelle-Angleterre depuis plusieurs années et que commencent à adopter quelques entreprises québécoises.

Cette option présente un potentiel extrêmement intéressant : une récolte très hâtive (en mai) de plus de cinq tonnes par hectare (matière sèche) de fourrage de belle qualité (de 15 à 17 % de protéines, digestibilité comparable à celle du maïs), sans pour autant mobiliser des surfaces au détriment de la rotation habituelle, c'est-à-dire que ces céréales s'insèrent facilement dans la rotation, moyennant possiblement de petits ajustements.

Parmi ces derniers,  il y en a un qui me paraît incontournable et essentiel si l'on veut vraiment réussir : il faut être en mesure de semer au moins deux semaines avant la date normale visée pour la récolte de céréale. Cela signifie des fenêtres de cinq à sept jours autour du 15 septembre pour le seigle et autour du 10 septembre pour le triticale, et si on peut même le faire avant ces dates, ce ne sera que plus fructueux. Contrairement à la récolte de céréale, dans le cas de production fourragère, l'initiation des talles dès l'automne aura un effet positif sur le rendement. On comprend dès lors que l'on exclut les champs occupés actuellement par le maïs. Le semis de seigle ou de triticale d'automne se prête très bien au semis à la volée dans la culture de soya au stade « début défoliation », tout comme le blé d'automne. On peut évidemment les semer dans un champ de céréale récolté. Il y a donc beaucoup de possibilités, mais il faut procéder au semis plus tôt que pour une céréale d'automne destinée à la récolte de grain. Je m'attends quand même, encore cette année, à ce que certains s'essaient à un semis en octobre et abandonnent en constatant la faible récolte de fourrage au printemps 2021.

Les autres techniques culturales mises à contribution, bien qu'elles soient moins capitales que la date de semis, peuvent quand même faire la différence entre une réussite et un échec. On ne recommande aucune fertilisation minérale si un engrais de ferme a été épandu avant le semis, que ce soit du lisier ou du fumier de bovins, du lisier de porcs ou de volailles, etc. En l'absence de toute fertilisation organique, un épandage de 80 à 100 kg N (kilogrammes d'azote) par hectare pour le triticale, mais d'au maximum 75 kg N par hectare pour le seigle (risque de verse), dès que la portance du sol le permettra au printemps, sera bénéfique. L'épandage d'engrais de ferme sur la culture au printemps est à proscrire, compte tenu des risques de souiller la récolte. Peu importe la variété (ou l'espèce – seigle ou triticale), on devra calibrer le semoir pour étendre au moins 300 grains au mètre carré, à un pouce de profondeur. Que ce soit le seigle ou le triticale, les deux se prêtent très bien au semis direct.

La récolte s'effectue au stade « gonflement », soit avant la sortie des épis, alors que l'on peut les voir prendre du volume dans la gaine de la feuille étendard. Il ne faut pas « passer tout droit » : dans nos conditions, ce stade est généralement atteint à la troisième semaine de mai environ, et la qualité fourragère du matériel se dégrade très rapidement après ce stade.

Ces deux espèces, il faut le rappeler, procurent aussi tous les avantages des cultures de couverture (réduction des risques d'érosion, stimulation de la vie microbienne et établissement d'une bonne structure, etc.). De plus, elles se distinguent véritablement sous deux aspects en particulier : le captage des nitrates résiduels et la lutte aux mauvaises herbes. Enfin, elles ouvrent de nouvelles possibilités dans la rotation, comme l'établissement d'une prairie au printemps, directement dans le couvert de la céréale d'automne.

Seigle ou triticale?

Le seigle est plus rustique que le triticale, aussi ses chances de survie à l'hiver, dans les conditions propres du Québec, sont-elles un peu meilleures. C'est peut-être son seul avantage par rapport au triticale. Celui-ci, beaucoup plus feuillu que le seigle, a toujours donné un indice de qualité fourragère (combinant rendement et qualité) supérieur à celui du seigle, dans les essais côte à côte. D'une hauteur d'environ les deux tiers de celle du seigle, le triticale procure pourtant un tiers de plus de rendement. Il est davantage recommandé et utilisé que le seigle au Vermont et dans l'État de New York. La disponibilité de la semence peut cependant constituer un obstacle. À ce sujet, rappelez-vous que, dans le contexte de la production de fourrage d'appoint, les caractéristiques variétales, notamment la sensibilité à la fusariose, ne sont pas aussi importantes que dans la production de grain et qu'une semence de qualité « commerciale » fera très bien l'affaire. Les quelques variétés de triticale d'automne que les distributeurs locaux ont offertes ces dernières années sont toutes très sensibles à la fusariose de l'épi.​​​

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Dernière mise à jour : 2020-09-01

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