Du semis direct bio?

Louis Robert, agr., M. Sc.,
MAPAQ Montérégie

Des producteurs d’avant-garde se confrontent parfois sur le plan de l’idéologie. Les uns, adeptes de la technique du semis direct, s’offusquent du fait que le secteur bio s’approprie l’exclusivité (par la certification) de LA recette pour produire des grains dits sains et sans risques environnementaux. Ils osent s’afficher ainsi (par les labels et le marketing), tout en engrangeant des revenus enviables grâce à une importante valeur à la tonne. Les autres, producteurs certifiés bio, critiquent la dépendance des premiers aux intrants de synthèse et les accusent de contaminer non seulement l’environnement mais aussi leurs récoltes, sujettes à des normes strictes, tout en supportant à eux seuls les coûts associés à la préservation de la pureté de leurs sols et cultures.

En réalité, il n’y a pas de système parfait. Il y a plutôt des productrices et des producteurs agricoles soucieux de perfectionner toujours davantage leurs façons de faire. Les uns comme les autres sont des pionniers, chacun de leur secteur. Ils arrivent à réduire, de façon parfois spectaculaire, leurs coûts de machinerie, de carburants, d’engrais, etc., tout en augmentant leurs rendements. Ils ont mis en place des systèmes de culture extrêmement performants; des modèles que l’on tente de faire connaître et de reproduire sur un plus grand nombre de fermes.

Au-delà de leur divergence idéologique, un examen plus approfondi des deux modes de production, à première vue contradictoires, révèle en fait une convergence frappante sur le plan agronomique. Les deux courants évoluent vers un système de « semis direct bio ». Ils se heurtent dans cette démarche à un même talon d’Achille : le contrôle des adventices (« mauvaises herbes »).

La prochaine étape vers la mise en place d’un système de semis direct (« SD », qu’on connaît en anglais sous le terme « NT » pour « no-till ») bio sera pour les uns de trouver les moyens de réduire l’utilisation de glyphosate, alors que pour les autres ce sera la réduction du travail du sol. Remarquez que cette étape n’est insurmontable ni dans le système SD conventionnel, ni pour l’agriculture bio. Ces nouvelles méthodes de contrôle des adventices, peu importe le cadre de production, apporteront des avantages agronomiques (réduction des pertes de rendement dues aux adventices) des bénéfices environnementaux et économiques. Et il y a fort à parier qu’autant dans le cadre de la production bio que dans le SD, cela se réalise en intégrant des espèces ou des mélanges de cultures de couverture plus compatibles avec les conditions propres à l’entreprise : cultures principales, rotation, climat, sol, etc.

Quelques entreprises québécoises sont déjà à mettre en place un tel système. Par exemple, nous sommes passés de la rotation binaire maïs-soya avec labour (intenable sur le long terme comme en fait foi l’évolution du rendement de soya) à une rotation de trois cultures principales et de deux cultures de couverture sur trois ans : maïs - [seigle d’automne] – soya – blé d’automne [trèfle]. Une des difficultés reste la validation du système. Compte tenu de la nature et de la complexité des écosystèmes agricoles, il demeure extrêmement difficile pour un producteur de juger de la performance d’une nouvelle rotation ou d’un nouveau mélange de cultures de couverture sur la base d’un essai ponctuel. Les populations d’adventices, incluant les banques de semence dans le sol, ne réagissent en effet que sur le plus long terme. De nombreux travaux de recherche ont en effet démontré qu’il faut souvent attendre trois ou quatre cycles de la nouvelle rotation avant de commencer à voir ses effets réels sur la pression et la composition des communautés d’adventices. Voilà une des raisons pour lesquelles les essais faits dans un cadre de recherche rigoureux sont incontournables. Même s’ils ne peuvent (et ne doivent) produire des recettes à transposer telles quelles sur des entreprises agricoles, ce n’est que dans ce cadre que l’on peut stabiliser un tant soit peu les nombreux autres facteurs pouvant interférer et confondre notre lecture des effets des cultures de couverture sur la pression des adventices.

À titre d’exemple, on se demande comment intégrer le seigle dans le maïs. Doit-on le semer plus tôt, au stade V8-V9, ou pas? Autre exemple : on ne réussit pas toujours à bien établir le blé sous un couvert de soya. Pourquoi alors ne pas choisir un cultivar de soya hâtif et semer dès la récolte prise? Ou encore : on veut vendre la paille et ne pas trouver de trèfle dedans. Pourquoi ne pas semer du trèfle incarnat? Son mode de croissance rampant évite ce genre de problème. Il est détruit par l’hiver dans une large mesure. Ce sont là des questions et des pistes de solution à explorer lorsqu’on cultive en semis direct.

Plusieurs projets de recherche évaluent présentement les effets à long terme de certains mélanges de cultures de couverture sur la pression exercée par des adventices persistantes dans les rotations maïs-soya-blé. On sait déjà que les mélanges produisent plus de biomasse que les semis purs, et que l’effet répressif sur les adventices est souvent proportionnel à la biomasse. On ne peut qu’être confiants de voir dans les prochaines années, sur nos entreprises agricoles, des systèmes de semis direct qui seront bio et performants.

 
Crédit photo : Louis Robert, MAPAQ



Crédit photo : Louis Robert, MAPAQ

 

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 20 septembre 2018

 
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Dernière mise à jour : 2018-10-12

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