Une synergie collaborative pour la valorisation des résidus​

​Par Carrolyn O’Grady, conseillère en transformation alimentaire, Direction régionale de la Montérégie, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Selon Recyc-Québec, entre 30 et 40 % de toute la nourriture est gaspillé chaque année. Ces pertes se produisent tout au long de la chaîne alimentaire, de la production jusqu'à la poubelle des consommateurs. Au Canada, cela représente 11,2 millions de tonnes de nourriture qui ​sont gaspillées chaque année. Selon l'organisation à but non lucratif Project Drawdown, en plus des pertes économiques engendrées par le gaspillage, la gabegie a un impact environnemental important, générant à elle seule environ 8 % des gaz à effet de serre émis mondialement. Chaque entreprise génère des résidus qui sont envoyés au rebut et qui engendrent des dépenses pour en disposer. Et si, au contraire, ces résidus devenaient des sous-produits ou des coproduits? De nombreuses occasions existent pour les entreprises afin de valoriser ces intrants et d'en tirer des bénéfices économiques. Quelle approche peut accélérer ce travail et par où commencer? La voie de la collaboration dans la valorisation des coproduits peut être une option intéressante à explorer.

Dans de récentes parutions de ce journal, nous avons abordé différentes approches collaboratives de développement de produits qui ont fait leurs preuves. Nous posons aujourd'hui un regard sur le concept d'économie collaborative et ses acteurs. La Symbiose agroalimentaire Montérégie, issue d'un projet du Conseil régional de l'environnement de la Montérégie, a pour mandat de structurer un réseau et de créer des synergies entre les entreprises dans le but de favoriser l'économie circulaire. Depuis 2019, le projet met en relation des donneurs et des preneurs de matières et les accompagne dans le processus de valorisation des sous-produits en collaboration avec des experts tels que Cintech Agroalimentaire. Ces mises en relation ont permis d'éviter l'émission de 230 670 kg de CO2, ce qui équivaut à un gain financier de près de 65 000 $ pour les entreprises collaboratrices. Le cas d'Améroquois est un bon exemple du potentiel de l'économie circulaire.

Du tourteau de tournesol à la farine

M. Janel Laplante, co-fondateur de l'entreprise Améroquois inc./Huiles Champy et producteur d'huile de tournesol biologique, a ancré l'économie circulaire dans son modèle d'affaires dès son démarrage, en janvier 2021, par la valorisation de ses sous-produits de production. Pour le moment, le filtrat issu de la filtration par décantation naturelle est utilisé comme liant dans l'alimentation animale. Il est aussi valorisé comme exfoliant dans les cosmétiques par l'entremise d'un partenariat avec deux savonneries, ce qui permet de quintupler la valeur du résidu par rapport à l'alimentation animale.

Le tourteau de tournesol, qui représente 70 % de chaque tonne de tournesol transformé, est valorisé dans l'alimentation animale, mais il pourrait bientôt être orienté vers l'alimentation humaine grâce à une symbiose avec l'entreprise Still Good et le centre collégial de transfert de technologie (CCTT) Cintech agroalimentaire. En effet, dans l'optique de croître dans la chaîne de valorisation de ses sous-produits et à la suite d'un reportage sur l'entreprise Still Good, qui transforme, entre autres, des résidus d'orge maltée en farine de drêche moulue riche en fibres et en protéines, M. Laplante a vu un potentiel de valorisation de son tourteau pour l'incorporer, sous forme de farine, à l'alimentation humaine. Il a également participé à un atelier de maillage de Symbiose agroalimentaire Montérégie, ce qui lui a permis de tisser des liens avec des producteurs et des transformateurs du milieu et avec Cintech agroalimentaire. Une collaboration entre ces trois entreprises (Symbiose agroalimentaire Montérégie, Cintech agroalimentaire et l'entreprise de M. Laplante, Amériquois) s'est ainsi mise en place. Au centre de recherche, l'équipe travaille à caractériser le coproduit (tourteau de tournesol) pour identifier les propriétés à valoriser (nutritionnelles et fonctionnelles) et celles à contrôler (contamination et allergènes). Selon Guillaume Boisvert, directeur du développement des affaires chez Cintech agroalimentaire, les prochaines étapes d'un tel projet sont de développer le procédé de transformation du coproduit en un ingrédient, de générer des prototypes et de tester l'ingrédient développé dans divers produits alimentaires. Finalement, une étude technico-économique sera réalisée pour évaluer le coût de revient de l'ingrédient et estimer la rentabilité du projet. M. Janel Laplante voit plusieurs bénéfices que son entreprise pourra retirer de cette collaboration. Il compte doubler la valeur de son tourteau, bonifier son offre de produits, et plusieurs occasions s'offrent à lui pour la valorisation de ses autres sous-produits via le réseau de ses nouveaux partenaires. Quant à M. Jonathan Rodrigue de l'entreprise Still Good, il compte bonifier son offre de produits avec une nouvelle protéine végétale, ce qui représente un avantage concurrentiel sur le marché.

Cartographie des sous-produits en Montérégie

Pour ratisser plus large et inciter plus d'entreprises à collaborer à la valorisation de leurs résidus, l'équipe de Symbiose agroalimentaire Montérégie et ses partenaires [1] souhaitent élargir leur champ d'intervention, identifier des débouchés qui pourraient bénéficier à plusieurs entreprises avec des coproduits similaires et, par la suite, les accompagner dans la mise en œuvre de projets collaboratifs.

Certaines informations sur les sous-produits générés à l'échelle de la région devront d'abord être compilées (ex. : les principales matières générées et la localisation des « gisements »). En acceptant de répondre au questionnaire q​ui leur sera acheminé dans les prochaines semaines, les entreprises de la Montérégie contribueront à la réalisation de cette cartographie des sous-produits. Ensuite, des experts seront sollicités afin d'identifier des débouchés permettant de valoriser les sous-produits prioritaires. Éventuellement, des projets pilotes collectifs seront imaginés en concertation avec les entreprises concernées.

Vous avez des tiges de brocoli à valoriser? Des pelures de fruits ou de légumes? Des retailles de biscuits ou des résidus de pâte? Des plastiques qui vont au rebut? Vous souhaitez transformer une dépense de gestion d'un résidu en un revenu? Pour participer au développement de projets collaboratifs, communiquez avec Mme Melody Tim Yen de Symbiose agroalimentaire Montérégie à melody.tim.yen@crem.qc.ca ​ou abonnez-vous à TransforMatin, la veille quotidienne de TransformAction.

Des ressources pour appuyer un projet de valorisation

Plusieurs ressources sont disponibles pour appuyer une entreprise ou un regroupement d'entreprises qui souhaite explorer un projet de valorisation de coproduits. En voici quelques-unes :

  • Le Fonds Écoleader : ce programme du gouvernement québécois propose une aide financière non remboursable (jusqu'à 75 % des honoraires professionnels) aux entreprises qui souhaitent engager des experts pour mettre en place des pratiques d'affaires écoresponsables ou se préparer à l'acquisition de technologies propres. Une entreprise qui souhaiterait caractériser un sous-produit à valoriser pourrait bénéficier de cette aide financière. Pour plus d'information : www.fondsecoleader.ca/​financement/.
  • TransformAction : le Créneau ACCORD en Montérégie favorise la mobilisation et la concertation des entreprises de transformation alimentaire autour d'enjeux communs. Le Créneau peut soutenir des projets collectifs, par exemple pour la valorisation d'un sous-produit. Pour de plus amples renseignements : www.transform-action.ca/creneau.
  • Conseil régional de l'environnement de la Montérégie : cet organisme dirige le projet Symbiose agroalimentaire Montérégie et la cartographie des sous-produits en Montérégie. Il offre un accompagnement aux entreprises dans le but de favoriser l'économie circulaire. Pour plus d'information : www.crem.qc.ca.

Oser l'innovation collaborative

La valorisation d'un coproduit est aujourd'hui une démarche essentielle, tant sur le plan économique que sur le plan environnemental. La planification est la clé du succès de cette démarche. Il faut savoir caractériser sa matière première, avoir les ressources pour gérer le projet et posséder de l'espace d'entreposage, pour ne nommer que ces aspects. L'implication de partenaires, tels que Symbiose agroalimentaire Montérégie et le CCTT Cintech agroalimentaire, peut atténuer les risques liés à la réalisation d'un tel projet. La voie collaborative pour faire de vos rebuts des sous-produits à valeur ajoutée peut être intéressante afin de maximiser les ressources disponibles sur les plans humain et financier et faire de votre projet une réussite.​

Références

​[1] Pour en savoir plus sur le projet : www.crem.qc.ca/fr/project/symbiose_agroalimentaire_monteregie.

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Dernière mise à jour : 2023-05-01

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