Drainage : des interventions qui se planifient

Durant l’hiver ou tôt au printemps, plusieurs pensent à procéder à des correctifs d’égouttement de leur terre agricole sans prioriser leurs interventions et évaluer leurs coûts. Ils gagneraient pourtant gros à le faire…

Rappelons que le drainage ne sert, ni plus ni moins, qu’à éliminer les surplus d’eau sur les terres cultivées. Le drainage de surface évacue l’eau excédentaire demeurée en surface alors que le drainage souterrain élimine, par gravité, un surplus qui se manifeste par la présence d’une nappe d’eau souterraine.

Outre le fait de bien comprendre le drainage agricole et ce qu’il implique, il faut connaître les interventions qui sont les plus logiques et les plus payantes à réaliser. Il est recommandé d’effectuer des travaux de drainage en tenant compte de l’ordre de priorités suivant :

  1. l’entretien et l’amélioration du réseau hydraulique
  2. l’aménagement et le nivellement des terres
  3. l’égouttement souterrain au moyen du drainage partiel ou systématique (si nécessaire).

Le réseau hydraulique d'abord

Pour entretenir et améliorer le réseau hydraulique, on doit évaluer les aménagements existants sur la ferme. Pensons à l’état des fossés et des cours d’eau qui traversent les terres et aux différents aménagements hydroagricoles présents (avaloirs, tranchées filtrantes, puits d’infiltration, etc.). Il faut aussi analyser la possibilité d’en aménager d’autres.

Les fossés sont d’une grande importance malgré le fait que plusieurs préfèrent les éliminer : ils possèdent la plus grande capacité d’égouttement. On recommande généralement d’aménager les fossés de manière à ce qu’ils puissent accueillir 200 litres d’eau par seconde à leur embouchure. Les fossés permettent souvent de séparer hydrauliquement deux propriétés pour éviter aux propriétaires de gérer l’eau de terres avoisinantes. Sur une même propriété, il est capital d’aménager un fossé qui sépare les zones boisées des terres cultivées plus en aval : cela évite un abondant surplus d’eau lors de la fonte des neiges et lors de fortes pluies.

Bien qu’il soit difficile de chiffrer le coût des travaux pour l’ensemble du réseau hydraulique de la ferme, un producteur peut s’attendre à débourser environ 5 $ par mètre pour un nouveau fossé à creuser (30 mètres par heure) alors qu’il en coûte généralement 2 $ par mètre pour le nettoyage d’un fossé existant (75 mètres par heure).

Pour les cours d’eau et leur entretien, la prudence est de mise. Avant de procéder à une intervention mécanisée dans un cours d’eau naturel, peu profond et jamais entretenu, on doit s'adresser à la MRC. Si cette dernière accepte le projet, elle fera la demande d'un certificat d'autorisation au ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Pour les cours d’eau verbalisés, la procédure peut s’avérer plus simple, mais c’est à la MRC que revient le droit de faire les travaux requis, et non au producteur. Si un cours d’eau est trop peu profond et mal entretenu, on ne peut évacuer efficacement l’eau de surface de la ferme et installer une conduite agissant comme collecteur, advenant un besoin de drainage souterrain.

L'aménagement de surface... avec modération

L’aménagement de surface, qui inclut aussi le nivellement, vient en second lieu dans les priorités de drainage. Habituellement, il comprend trois types d’aménagements qui favorisent l’égouttement des terres :​

  • le modelage en planche (en faîte, déphasé ou à un seul versant)
  • le nivellement par secteur (faibles corrections sans changer les pentes)
  • l’aplanissement (régularisation par le comblement de toutes petites dépressions et par l’atténuation des butes).
  1. Le modelage en planche

    Le modelage en planche ne vise que les terrains peu pentus ayant une inclinaison naturelle inférieure à 1 %. Contrairement aux façons de faire d’autrefois, les planches d’aujourd’hui ont une bonne largeur, soit plus de 60 mètres, et comportent une faible pente latérale (d’au plus 1 %). Leur élaboration tient compte des propriétés du sol en place (type de sol, perméabilité, présence de pentes naturelles, etc.), du risque de perte des cultures par le gel hivernal et du risque d’érosion du sol (érodabilité, couverture de sol, etc.). Plus un sol sera perméable, plus larges et moins pentus devront être les versants des planches. Cependant, on recommande une largeur des planches inférieure à 90 mètres et une pente latérale d’un minimum de 0,5 %.

    En complément, il est fortement conseillé de capter l’eau rapidement sur la surface cultivée et de l’évacuer vers un fossé par l’ajout de voies d’eau, de puits d’infiltration et d’avaloirs. Même en terrain très plat (d’une inclinaison inférieure à 1 %), il faut généralement limiter la longueur du parcours de l’eau sur un sol nu à moins de 400 m.
  2. Le nivellement et l’aplanissement

    Le nivellement et l’aplanissement consistent à réaliser de petits correctifs de surface. Ces opérations peuvent se faire à l’aide d’une « gratte » niveleuse ou une « gratte » panier. Normalement, ces tâches doivent être accomplies un an après un important réaménagement de surface dans le but d’apporter des correctifs.

    Le nivellement de surface ne doit pas être exécuté chaque année. Si c’est le cas, il faut se questionner sur la qualité du travail effectué antérieurement lors du nivellement et sur les pentes parfois trop faibles de l’aménagement (moins de 0,5 %). Le travail réalisé à l’aide de la
    « gratte » niveleuse et de la « gratte » panier cause beaucoup de cisaillement, ce qui détériore les agrégats du sol, sans compter les risques de décapage. Selon les travaux à faire, les correctifs d’aménagement et de nivellement peuvent coûter entre 200 $ et 850 $ par hectare.

Le drainage souterrain, mais pas sans condition

Parmi les correctifs d’égouttement et de drainage, c’est le drainage souterrain qui est le plus populaire. C’est aussi celui dont la nécessité réelle est la moins questionnée. Procéder à du drainage souterrain sans se poser de question corrige rarement la situation à long terme. On peut améliorer notre sort durant quelques années, mais la situation existante peut aussi demeurer la même. Il est aussi exceptionnel que le drainage souterrain empire une situation.

Avant d’installer des drains agricoles, il faut toujours réaliser des profils de sol sur une profondeur variant entre 0,9 mètre et 1,5 mètre. Votre agronome est toujours l’expert qui pourra vous aider à interpréter vos profils de sol. On doit évaluer la présence d’une nappe d’eau souterraine et sa hauteur de remontée.

Le principal rôle du drain est d’évacuer l’eau gravitaire en surplus dans le sol. Pour de l’eau qui stagne en surface, emprisonnée dans une cuvette imperméable, la pose ou la présence d’un drain n’a aucun effet sur l’assèchement de la cuvette. Quant au drain intercepteur, il doit être placé dans le sol perpendiculairement à la pente de la parcelle ou aménagé dans une tranchée filtrante pour évacuer l’eau qui se déplace horizontalement dans le sol (écoulement hypodermique).

Dans les cas où le drainage souterrain est requis, il faut déterminer si ce drainage sera complet ou partiel. Il faut également établir un plan précis et représentatif de votre parcelle. Il importe de choisir judicieusement l’espacement, la direction ainsi que la pente des aménagements. Le choix du drain et de la membrane (si cette dernière est nécessaire) dépend de l’analyse granulométrique des sols.

Le drainage souterrain est beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire aux premiers abords. C’est aussi lui qui est le plus coûteux (jusqu’à 4200 $ par hectare). Pour toutes ces raisons, il est fortement recommandé de confier l’élaboration de votre projet de drainage à un ingénieur spécialisé dans ce domaine.

Prioriser, diagnostiquer et consulter​

L’égouttement de surface par l’aménagement et l’entretien du réseau hydraulique ainsi que les correctifs de nivellement demeurent des opérations à prioriser avant même de penser à drainer souterrainement. Les effets du drainage de surface sont habituellement immédiats. Cette intervention est abordable si l’on considère le bénéfice que l’on peut en retirer avec les années. Le drainage souterrain reste coûteux et ne doit être envisagé que si les investigations et les analyses en confirment la nécessité.

Yves Bédard, ingénieur
Ne pas remplir ce champs

Dernière mise à jour : 2021-12-10

Menu de bas de page

Aller au Portail du gouvernement du Québec
© Gouvernement du Québec, 2024