L’imposant défi de la planification territoriale

La nécessité d’augmenter la productivité de l’agriculture de 60 % d’ici 2050 pour répondre aux besoins d’une population plus nombreuse et plus urbaine, tout en prenant en considération les impératifs du développement durable que sont la soutenabilité environnementale, la performance économique et l’acceptabilité sociale, constitue un défi immense que devront affronter les sociétés industrialisées de demain. 

Le territoire agricole – ses ressources, ses activités, ses gens et ses paysages – est multidimensionnel, et par le fait même, fort complexe. Les experts parlent de « système » lorsque vient le temps de le décrire, de le comprendre et surtout de planifier les usages territoriaux que l’on désire y prioriser. Cette compréhension, si importante, est en effet la clé de voûte pour une planification du développement rationnelle et adéquate qui conjugue les intentions et les ambitions des individus tout autant que des collectivités.

En ce sens, pour une grande majorité d’aménagistes, la planification territoriale présente un caractère fondamental de prospection, c’est-à-dire que nous devons être en mesure d’élaborer et d’analyser les « futurs » possibles et souhaitables pour notre territoire agricole. Nous devons y impliquer nos collectivités en favorisant l’interaction et la concertation entre tous les acteurs impliqués.

Toutefois, et je vous le faisais remarquer plus tôt, ce territoire est fort complexe. Même pour les spécialistes d’expérience, cette complexité est souvent source de maux de tête alors que pourtant, nous devons absolument la considérer pour savoir comment, où et quand intervenir sur le territoire, dans le meilleur de notre connaissance. Ainsi, agriculteurs, forestiers, ruraux, néoruraux, urbains, périurbains, villégiateurs, pêcheurs, chasseurs…tout ce beau monde revendique le droit de bénéficier des externalités principales du territoire agricole, à savoir le paysage, les ressources naturelles abondantes et plus globalement, un cadre de vie attrayant.

Rapidement, on constatera toute l’ampleur du travail qui attend le planificateur territorial au moment de prévoir de quoi sera fait le futur de son espace géographique. Doit-il aller dans cette direction? Implanter son usine ici ? Permettre le déboisement là ? Valoriser l’agriculture dans ce secteur plutôt qu’un autre ? C’est là le genre de questions auxquelles doit répondre tout aménagiste du territoire. Qui plus est, chacun des acteurs du territoire – vous et moi, mais aussi des groupes de divers d’intérêts – possède une vision distincte de « son » territoire agricole dans lequel il évolue, ce qui entraîne souvent des conflits de valeur qui dégénèrent parfois, dans le pire des cas, en conflits ouverts opposant un groupe d’usagers à un autre.

Prenons par exemple un cas bien connu par tous les aménagistes et spécialistes en science du territoire : l’étalement urbain. Les impacts de l’étalement urbain sont considérés par la plupart des spécialistes du territoire comme un problème environnemental sérieux : exode des villes-centres vers les secteurs les moins chers de la périphérie, détérioration de l'environnement naturel, dégradation de la qualité des cadres de vie, disparition d’importantes superficies de terres arables, etc. Un constat récent émerge même dans la littérature en faveur de nouvelles évidences qui établissent maintenant un lien entre la typologie ainsi que la densité des formes urbaines et la santé collective.

Vous croyez que ça s’arrête ici ? Détrompez-vous. Nous parlions de problème multidimensionnel plus tôt, voici ce que j’entendais par là : ces manifestations de l’étalement urbain sont les effets perceptibles d’un phénomène beaucoup plus large qui origine notamment de la redistribution de la population et des activités, donc de la  modification de l'occupation de l'espace. Les origines de ces modifications sont les changements des modes de vie et des modes de consommation. Se combinent alors, de façon différente selon les régions, d’autres facteurs de nature démographique (vieillissement de la population, fragmentation des ménages, etc.) et socioéconomiques (accroissement du revenu, exode rural, réduction de la main-d’œuvre employée dans les activités primaires, en particulier dans l'agriculture, absence d'activités de remplacement, etc.). On constate ainsi que le problème présente plusieurs facettes distinctes, mais auto-corrélées, l’une agissant sur l’autre et ainsi de suite.

Pour l’aménagiste, c’est un immense défi de planifier l’usage du territoire agricole dans ce contexte en tenant compte de tous ces facteurs, et ce, tout autant pour le présent que pour le futur! En effet, une bonne planification du territoire est tournée vers l’avenir. Une des questions d’usage avec laquelle le planificateur devra alors jongler inlassablement est la suivante : de quoi voulons-nous que notre territoire agricole soit fait d’ici 5, 10, 15, 30 ans? Avec science et art, l’aménagiste du territoire pourra guider la prise de décision dans le meilleur intérêt de tous.

Jean-François Guay, M. Sc.
Conseiller régional en aménagement du territoire

Août 2013

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Dernière mise à jour : 2021-12-10

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