​Charlevoix, terre d’accueil de l’émeu

En campagne, nul n’est étonné de voir des chevaux, des vaches et des moutons dans les champs. Plusieurs seront alors surpris d’apprendre que dans la région de Charlevoix, on peut également y apercevoir des émeus! En effet, c’est à Saint-Urbain qu’est installé le plus grand parc d’émeus au Canada : le Centre de l’émeu de Charlevoix (CEC). On y retrouve quelques centaines de spécimens du deuxième plus gros oiseau au monde qui éclosent et grandissent dans un environnement calme et bien adapté. Originaire de l’Australie, l’émeu est élevé pour sa viande et son gras (transformé en huile et produits dérivés), mais on valorise également les os, le cuir, les griffes, les plumes et les coquilles d’œufs en objets artisanaux.

Le cycle de vie de l'émeu 

L’émeu femelle commence la ponte vers l’âge de deux ans, mais le couple devient fécond vers l’âge de trois ans. Durant la période de ponte (décembre à avril-mai), le jeune couple commençant sa carrière de reproducteurs aura peut-être 10 à 15 œufs d’un beau vert foncé. Mais dès la troisième ou quatrième année de ponte, le couple, considéré alors comme mature, pourra en avoir entre 20 et 40 dont environ 80 % seront fécondés. Les œufs des jeunes femelles sont petits alors que les œufs des femelles plus âgées peuvent avoir un poids variant de 600 à 750 grammes. Les femelles pondent à raison d’un œuf tous les 3 ou 4 jours. Un œuf d’émeu correspond à environ 10 œufs de poule.

Au Centre de l’émeu, les œufs sont ramassés tous les soirs et, une fois par semaine, ils sont mis dans l’incubateur dans lequel ils passeront 50 jours. À l’éclosion, les petits mesurent de 6 à 8 pouces de haut. Les poussins passeront quelques semaines dans la poussinière, dans des parcs avec une lumière chauffante, avant d’être assez grands pour rejoindre des espaces plus adaptés, vers l’âge de deux mois.

Tout au long de sa croissance, l’émeu reçoit une alimentation équilibrée à volonté, et adaptée à ses différents stades physiologiques. La moulée, exempte d’hormones de croissance et d’antibiotiques préventifs, est composée d’un mélange de grains sélectionnés pour faciliter le dépôt de gras sur l’animal le plus tôt possible.

Vers l’âge de trois mois, le jeune émeu peut sortir à l’extérieur si la température est assez chaude. Lors des printemps froids et pluvieux, on retarde la sortie des jeunes pour préserver leur bien-être.
De son éclosion jusqu’à l’âge de 10 mois, l’émeu « pousse en hauteur » selon les mots propres de Mme Tremblay, la propriétaire du CEC. Ensuite, le gras commence à se déposer et l’oiseau prend du volume. À 12 mois, il a atteint la hauteur de 6 pieds (1m80). Il aura un poids de 90 à 100 livres vers l’âge de 14 à 16 mois et son poids à maturité sera aux alentours de 120 livres.

Le couple de l'heure!

Comme dans tout élevage particulier, il y a des animaux « vedettes ». Au CEC, le couple Célanire et Fidèle (prénoms des grands-parents paternels de Mme Tremblay), est le couple de l’heure! En effet, en production depuis douze ans, Célanire a déjà pondu plus de 50 œufs en une saison, ce qui est tout à fait exceptionnel. Elle pourrait se reproduire encore sept ou huit ans puisque les femelles peuvent pondre pendant une vingtaine d’années et vivre jusqu’à 30 ans. Mme Tremblay pense que Célanire est actuellement dans l’une de ses meilleures années de production, ayant pondu des œufs de près de 800 grammes cette saison.

Au cours des années, ce couple a engendré de très bons sujets reproducteurs. D’ailleurs, une de leurs filles, Émilie (en couple avec Ovila), ressemblera grandement à sa mère et deviendra aussi une haute productrice. En effet, lors de ses deux premières saisons de ponte, elle a dépassé de beaucoup la quantité d’œufs pondue habituellement par une jeune femelle. Il faut savoir que Mme Tremblay suit de près la génétique de ses oiseaux, mettant en couple des sujets provenant de ses meilleurs géniteurs.

Quand on regarde Célanire et Fidèle, il est impossible de les différencier, car rien ne ressemble plus à un émeu qu’un autre émeu. On doit entendre le « tambourinage » de la dame et le
« grognement » de monsieur pour les reconnaître.

La mise en marché

Lors de l’arrivée des premiers émeus au Québec vers la fin des années 80, personne ne savait vraiment comment commercialiser les produits de l’émeu. En 1997, Mme Tremblay se procurait ses premiers oiseaux dans le but de produire la viande très nutritive et pauvre en gras, mais s’est rapidement rendu compte qu’il fallait commercialiser l’huile afin d’être rentable. Alors que les fermes d’élevage d’émeus au Québec disparaissaient les unes après les autres, Mme Tremblay persévérait avec son troupeau. Au fil des années et à la suite de recherches, de projets et d’embûches, elle a développé une grande expertise pour la transformation du gras en huile naturelle sans produit chimique. À l’été 2019, l’Économusée de la huilière ouvrira ses portes au Centre de l’émeu de Charlevoix. Les intéressés pourront en apprendre beaucoup sur cet oiseau et observer la façon dont le gras est transformé en huile.

Les propriétés de l'huile d'émeu

Plusieurs études ont été réalisées sur ses bienfaits, notamment pour les brûlures. Le Harner Burn Center (Centre des brulés) aux États-Unis a confirmé que le traitement des brûlures avec l’huile d’émeu réduisait la formation des cicatrices et l’inflammation chez les patients. M.C. Craig-Schmidt, Ph.D, et Paul Smith de la Auburn University en Australie ont étudié la composition de l’huile d’émeu. L’huile est un triglycéride et contient plus de 70 % d’acide gras non saturés. La majeure partie est constituée par de l’acide oléique (environ 40 %) servant de support pour permettre aux composantes de rapidement entrer dans la peau. De plus, les acides gras non saturés contiennent une part considérable d’acide linoléique et d’acide alpha-linoléique. Ce sont des acides gras dits essentiels puisqu’ils ne peuvent être produits par le corps, et ils sont indispensables à la formation des cellules de la peau. Il s’avère que les aborigènes utilisaient déjà l’huile d’émeu il y a plus de 40 000 ans, en raison de ses effets analgésiques. Ils l’utilisaient sur les petites coupures, les blessures plus graves et les brûlures.

Conclusion

Actuellement au Québec, il reste moins de 600 émeus déclarés dans les fiches d’enregistrement du MAPAQ, et plus de 400 d’entre eux vivent dans Charlevoix. Afin de satisfaire à la demande d’huile d’émeu pure, naturelle et québécoise (qui dépasse de beaucoup l’offre), il faudrait tripler ou quadrupler la production. Dans le passé, plusieurs élevages ont vu le jour et sont disparus après quelques mois d’existence. Cela peut être attribué à l’expertise nécessaire à la réussite de cet élevage qui n’était pas suffisamment développée et le fait que l’animal n’était pas assez valorisé à cette période. Aujourd’hui, cet animal est mieux connu. Mme Tremblay et son équipe du Centre de l’émeu de Charlevoix ont contribué à faire découvrir cet oiseau ainsi que les multiples propriétés de son huile.

L’élevage de veaux, de vaches et de cochons ne vous intéresse pas? Peut-être que l’élevage de ce grand oiseau est pour vous. Bonne réflexion!


Références :

  • Communications personnelles avec Mme Raymonde Tremblay. 
  •  Moisturing and Cosmetic Properties of Emu oil, a Double Blind Study by A. Zemstov M.D., M.S. Indiana University School of Medecine, Monica Gaddis, Ph.D. Ball Memorial Hospital, Victor Montalvo-Lugo, M.S., Ball Memorial Hospital.
  • The composition of emu oil: the micro view by Dr. Leigh Hopkins.

 

Diane Allard
M.Sc., agronome
Conseillère sectorielle en productions animales

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Dernière mise à jour : 2021-12-10

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