Les facteurs de risques dans la transition à la production animale biologique

Marie-Ève Dubuc, agronome
Conseillère en production animale
MAPAQ Montérégie

L’étape de la transition à l’agriculture biologique comporte son lot de changements, d’inconnu et de stress, au point où cette période de conversion peut rendre vulnérables certaines entreprises. À ce propos, l’organisme Cultivons biologique Canada (CBC) a commandé une étude sur les risques et les coûts de la transition à l’agriculture biologique, dans le but de mieux comprendre la réalité des agriculteurs canadiens et de proposer des outils pratiques et des solutions concrètes. L’étude, effectuée par Serecon Inc. et le Groupe Agéco, s’est appuyée sur une analyse de la documentation existante et sur des études de cas d’entreprises agricoles et a fait appel à des groupes de discussion formés d’agriculteurs ayant vécu la transition.

L’étude met en lumière un certain nombre de risques que sont susceptibles d’affronter les agriculteurs qui s’engagent dans une « transition biologique ». Notamment en ce qui concerne les producteurs laitiers convertis au bio (et, par extension, la grande majorité des agriculteurs se consacrant à des productions animales biologiques), les personnes consultées ont mis en évidence quatre risques principaux.

La tenue des registres

D’abord, la charge reliée à la tenue de registres est augmentée lors de la transition et tout au long de la certification. Ainsi, il est nécessaire d’avoir des registres concernant la majorité des activités de la ferme et ceux-ci doivent être très détaillés, de manière à pouvoir répondre aux exigences de l’organisme certificateur.

Au cours de la période de transition, il est nouveau de consigner autant d’information et cela occasionne des risques d’erreurs, engendrées par des renseignements manquants, inexacts ou incomplets. Les registres ont un rôle crucial dans la certification et une erreur peut avoir comme conséquence d’empêcher ou de retarder le processus, ce qui pourrait décourager l’agriculteur.

Il a été démontré que remplir avec rigueur les registres demande des efforts importants et accrus jusqu’à ce que cela soit bien intégré dans la routine quotidienne du travail. Une des recommandations formulées dans l’étude de CBC est justement de mettre des formulaires normalisés à la disposition des producteurs pour diminuer les risques d’erreurs et faciliter la transition.

La compréhension du processus de certification

Un deuxième facteur de risque fréquemment souligné est la difficulté de bien comprendre et de maitriser le processus de la certification. L’agriculteur qui amorce une reconversion de ses activités doit connaître les principes et les normes liés aux modes de production biologique et être au fait des étapes à franchir pour y arriver.

Cependant, la manière concrète de réaliser le processus de certification varie selon les réalités de chaque ferme. En outre, les exigences de la production biologique peuvent laisser place à des interprétations, par exemple pour connaître les intrants qui sont permis et ceux qui ne le sont pas.

Il a donc été mis en évidence le besoin d’offrir des services de vulgarisation. Une des premières étapes importantes pour un producteur voulant amorcer la transition est de choisir l’organisme certificateur avec qui, il est souhaitable de développer une relation profitable tout au long de la démarche. Une des solutions mises en avant à ce chapitre est précisément d’offrir plus de ressources d’accompagnement et de vulgarisation et de faciliter l’accès à ces ressources.

Le besoin d’expertise technique

Une troisième préoccupation des agriculteurs se rapporte à la recherche d’expertise technique. Le changement du mode de production exige de s’entourer de personnes qui maîtrisent l’agriculture biologique. Cela signifie se bâtir un nouveau réseau de contacts et de partenaires. Alors que l’agriculteur est en apprentissage, il doit faire des choix stratégiques quant aux techniques de production à adopter et aux intrants à utiliser. Il s’agit donc d’une période cruciale au cours de laquelle l’agriculteur doit être soutenu et aiguillé.

Dans le secteur laitier, le besoin d’expertise technique s’articule particulièrement autour du défi de maintenir l’état de santé du troupeau sans utiliser d’antibiotiques dans le secteur laitier ou autour de celui d’assurer la gestion des mauvaises herbes dans les grandes cultures.

Le défi des prix élevés et l’accès aux intrants

Un quatrième obstacle est le prix des intrants autorisés dans l’agriculture biologique et, en parallèle, un accès stable et constant à ces intrants. Il s’agit même du défi le plus problématique et exigeant au niveau du temps à investir, quand on pense à la recherche nécessaire pour trouver des sources d’aliments biologiques pour les animaux d’élevage.

L’étude de CBC fait ressortir des réalités différentes selon la région et la province des participants en ce qui a trait aux difficultés d’approvisionnement. Toutefois, de façon générale, le coût des aliments biologiques pour le bétail est beaucoup plus élevé que celui des aliments conventionnels. De plus, si l’on additionne le coût du transport, il est difficile d’obtenir des prix compétitifs. Ce défi constitue une barrière importante à l’expansion du secteur bio.

En conclusion, il y a lieu de noter que les deux premiers obstacles sont partagés par tous les agriculteurs qui ont participé à l’étude, et ce, peu importe la production (végétale ou animale). Il est aussi surprenant de constater que ces deux obstacles sont directement rattachés au processus de la certification, et non pas aux techniques de production.

Pour plus d’information, on peut consulter dans Internet l’étude Transitioning to Organic: A Risk Based Analysis et les documents connexes.

Dans un prochain article, il sera question des considérations financières qui caractérisent une transition à la production biologique.

Texte intégral : journal Gestion et technologie agricoles (GTA), 6 décembre 2018

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Dernière mise à jour : 2019-03-08

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