​Limiter les effets négatifs de la sécheresse sur les plantes fourragères

Marie-Ève Dubuc, agronome, en collaboration avec Fernand Turcotte, agronome, de la Direction régionale de la Montérégie-Ouest du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

Les changements climatiques sont bien réels et les données scientifiques confirment que leurs effets se font déjà sentir et qu'ils continueront de le faire pour les prochaines décennies. Le sud du Québec, qui comprend la Montérégie, subira une augmentation de sa température annuelle moyenne de l'ordre de 2,8ᵒC à l'horizon 2050, selon les modèles climatiques. Cette hausse devrait contribuer, sur le plan agricole, à l'allongement de la saison de croissance et les hypothèses suggèrent un gain moyen de 22 jours d'ici 2050, variant selon les scénarios climatiques et les régions. Les précipitations annuelles seront aussi susceptibles d'augmenter. Les changements climatiques obligeront les agriculteurs, dont ceux qui cultivent des prairies et des pâturages, à adapter leurs pratiques agricoles.

L'importance de bien choisir les espèces et d'adapter le rythme des coupes

La hausse prévue des températures causera un allongement de la saison de croissance et une vitesse de croissance plus élevée chez certaines plantes, comme la luzerne. Cela signifie que l'écart entre les coupes sera légèrement réduit et qu'il sera possible de récolter une coupe supplémentaire, selon les espèces et les régions. Les répercussions sur le rendement annuel pour la luzerne devraient être positives. L'hypothèse peut s'appliquer aussi au lotier corniculé, à promouvoir dans les pâturages. Cependant, pour les plantes qui ont une température optimum de croissance plus basse (qui préfèrent le temps frais), comme la fléole des prés (mil), les changements climatiques n'auront pas d'effet positif sur leur vitesse de croissance. C'est pourquoi les conditions chaudes et sèches nuiront davantage aux rendements de la fléole des prés. Il faudra envisager de cultiver d'autres graminées vivaces, mieux adaptées aux conditions futures, notamment le dactyle et l'alpiste roseau. Des essais sont en cours actuellement pour évaluer le potentiel de la fétuque des prés, de la fétuque élevée et du brome des prés, en remplacement de la fléole des prés. Un projet de recherche s'intéresse également au potentiel d'espèces fourragères annuelles comme plantes-abri.

Bonnes pratiques pour la persistance des plantes

En Montérégie, la luzerne rencontre de plus en plus de difficulté à survivre à nos hivers. Malheureusement, les changements climatiques vont aggraver le problème et les risques de dommages hivernaux seront accentués. Les producteurs devront faire preuve de stratégie dans le choix des espèces fourragères en privilégiant des espèces plus résistantes aux conditions hivernales. Surtout, ils devront adopter une série de bonnes pratiques pour améliorer la persistance des plantes fourragères, et cela repose notamment sur un enracinement profond des racines et des réserves nutritives suffisantes. Voici quelques bonnes pratiques à privilégier :

  • Éviter de couper trop fréquemment les jeunes plants au cours de l'année de l'implantation de la luzernière. Si l'objectif est de récolter un volume important, il est recommandé d'opter pour une plante-abri comme l'herbe de Soudan, qui doit cependant être semée plus tard, quand la température du sol est de 12 ᵒC. Deux coupes de la plante-abri peuvent être effectuées, à une hauteur de six à sept pouces du sol, en touchant le moins possible aux plantes fourragères semées récemment.
  • Augmenter la hauteur de coupe à chaque fauche estivale dans les années suivant l'implantation (minimum de quatre pouces) et au moment de la dernière récolte avant l'hiver (minimum de six pouces).
  • Suivant la décision de faire une coupe automnale de luzerne, viser le stade « début floraison » et garder un intervalle d'au moins 50 jours (ou tenir compte d'un total de 500 degrés-jours [base de 5 ᵒC]) entre la fauche précédente et la nouvelle coupe. Deux options sont possibles :
    • Effectuer une fauche à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre au plus tard (cela varie selon les régions), pour obtenir également un écart d'au moins 50 jours (ou un total de 500 degrés-jours [base de 5 ᵒC]) entre cette fauche et le premier gel mortel;
    • Privilégier une coupe faite tôt après le premier gel mortel de l'automne (–3 ᵒC pendant au moins deux heures).

Le paragraphe suivant porte sur des facteurs qui ont une incidence sur la persistance des plantes pérennes.

Promouvoir la santé des sols et la bonne gestion de l'eau

Les scénarios climatiques prévoient des déficits hydriques pour de nombreuses espèces végétales durant la saison chaude, en raison de l'élévation de la température et de l'évapotranspiration. En parallèle, les épisodes de précipitations intenses seront plus fréquents en été. Une façon de s'assurer que l'eau de pluie profite réellement aux plantes est d'améliorer la santé des sols, notamment par une diminution de la compaction, pour favoriser une meilleure infiltration de l'eau. Face aux déficits hydriques, les plantes ayant un meilleur enracinement en profondeur seront avantagées et cela passe, entre autres choses, par une bonne structure du sol et de bonnes conditions de semis.

Relever le défi des ravageurs

Face au réchauffement climatique, il faudra s'attendre à devoir composer avec plus d'insectes. La cicadelle de la pomme de terre est un ravageur de la luzerne et du trèfle à surveiller, car elle prolifère durant les périodes de température élevée et de conditions sèches. La pression des insectes pourrait se traduire par des effets négatifs sur les rendements. Il sera nécessaire de miser sur le dépistage et la surveillance et de développer des stratégies de lutte intégrée pour contrôler les insectes.

La diversification comme outil de gestion des risques

Pour bien positionner leur entreprise de manière avantageuse, les agriculteurs doivent analyser les risques et faire des choix stratégiques. Pour pratiquer l'agriculture dans un contexte de changements climatiques, il est recommandé de diversifier les cultures et les rotations, autant pour sécuriser l'approvisionnement en fourrages des animaux que pour assurer la santé économique de l'entreprise. Une entreprise qui cultive des plantes fourragères pérennes et annuelles, qui ont des caractéristiques distinctes, sera moins vulnérable si un problème survient. Comme le dit le proverbe, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier! Cela s'applique notamment aux mélanges d'espèces à privilégier, plutôt qu'à des semis purs. Aussi, en cas de bonnes récoltes, il est conseillé de se bâtir une réserve de foin pour ne pas être pris au dépourvu.

Diversification des cultures fourragères

Propice pour un semis tardif au printemps :

  • Graminées annuelles de saison chaude (sorgho, hybrides sorgho-Soudan, herbe de Soudan, millet perlé sucré, millet japonais),
  • Légumineuses annuelles (trèfle incarnat et trèfle d'Alexandrie).

Propice pour un semis d'automne (septembre) et une récolte de fourrage au printemps suivant :

Propice pour un semis hâtif au printemps ou un semis au début d'août :

Êtes-vous prêt pour 2021?

Vu les canicules et le déficit hydrique qui ont marqué le printemps et l'été de 2020, il y a lieu de tirer quelques leçons et de les mettre à profit dès aujourd'hui pour se préparer à la prochaine saison. Prenez le temps d'adapter votre stratégie concernant les plantes fourragères. Cela commence par une bonne réflexion sur le choix des espèces fourragères, et ce, dès cet automne, avant de passer la commande des sacs de semences. Le climat change et il faut également adapter vos méthodes de gestion des coupes et améliorer la santé du sol et la gestion de l'eau. En réaction aux conditions de sécheresse vécues dans plusieurs régions du Québec durant la saison 2020, les conseillers du MAPAQ ont regroupé plusieurs références sur les solutions potentielles sur le site d'Agri-Réseau.

Références

Jégo, G., Delmotte, S., Delisle, S., Bélanger, G., Thivierge, M.-N., Martel, H et Ruel, D. Changements climatiques et plantes fourragères : impacts attendus et exemples d'adaptation. Colloque Plantes Fourragères, CRAAQ, 20 février 2020.

Bélanger, G., Couture, L., et Tremblay, G. Les plantes fourragères. CRAAQ, 209 pages, 2005.

Turcotte F. L'herbe de Soudan en plante-abri et autres graminées annuelles de saison chaude. 9 juin 2020.

Turcotte F. Nouveau semis de prairies et particularités avec l'herbe de Soudan. 15 mai 2020.

Bélanger, G. La gestion des coupes. Colloque Plantes Fourragères, CRAAQ, 27 novembre 2013.

Dossier sécheresse 2018 et 2020, Agri-Réseau​ ​


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Dernière mise à jour : 2020-10-28

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